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L’ÉCRIN DU RUBIS

fumées ! Quelle fée de sa baguette magique a pu animer à nos yeux ces plis, ces retroussis, ces drapés et ces falbalas, leur conférer la puissance enchanteresse de la chair, et, de simulacres trompeurs de l’objet de notre désir, faire mieux que cet objet lui-même le paradis de notre volupté ! Comment toutes ces choses inertes sont-elles devenues plus éloquentes que le corps, plus troublantes que le troublant mystère de ses ombres et de ses replis cachés ? Volupté des voluptés, quel prestige a fait d’elles l’illusion souveraine qui meut tous nos caprices, justifie toutes nos folies ?

C’est de ce monde, que les sensuels se font cette délectation morose sur laquelle ils concentrent la force d’un désir discipliné. J’entends par là la résistance qu’ils savent apporter à l’aiguillon d’un instinct aveugle et brutal, la préférence qu’ils donnent à un état continu de rêverie voluptueuse de qualité choisie, sur la syncope décevante d’où l’âme se réveille « pâle, taciturne et pleine du regret de la mort », ainsi que l’éprouvait Colette dans les bras de Chéri.

On a donné un nom savant à cet état de douce langueur qui procède ainsi des seuls jeux de l’imagination : on l’appelle le coït psychique. Il nous arrive, en effet, que dans un relâchement momentané de notre discipline,