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L’ÉCRIN DU RUBIS

nature. Mais je n’avais d’yeux que pour ce qui lui servait de cadre.

Ce petit chiffon de percale volanté de festons brodés ou d’une dentelle de fil cousue au point d’épine, m’était comme le symbole matériel de l’attrait qui retenait mon regard captif. Mon trouble à la vue de cette enveloppe blanche, quand la vivacité de nos jeux relevait un pan des jupes, me tenait lieu de ce que j’aurais pu attendre d’un instinct plus avisé.

Je me souviens qu’un jour, une de mes petites amies pour qui j’avais une plus vive inclination, une Juive du nom d’Isabelle, piquante déjà, avec ses beaux yeux noirs, cernés d’une ombre mate, me montra dans un accroupissement innocent, les promesses que la nature préparait à son adolescence. Oui, je la vois encore, saignante de son incarnat, entre les sombres sillons de l’aîne, la mince échancrure de ses lèvres mystiques semblable à la balafre d’une grenade. Mais j’avais si complètement confondu jusque-là le pantalon avec ce que je me représentais être le lieu du péché, que je n’eus d’attention qu’à l’entrebâillement des deux gaînes de linon sur la chair des cuisses. Ce qui me retenait dans un émoi que je ne saurais dire, ce n’était pas cette ligne de carmin tracée en saillie d’une mousse légère ; c’était dans le clair-obscur des jupes relevées jusqu’aux genoux, dans l’évasement des jambes sous l’étoffe tendue qui les enserrait à partir de la jarretière et bâillait sous leur