Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/325

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romancier ne retrouvera ! Un boucher passait, assis sur la viande de sa charrette. Un individu court à lui, l’engage à s’arrêter, et lui dit : « Voici un chien, enfermé dans ce sac ; il a la gale : abattez-le au plus vite. » L’interpellé se montre complaisant. L’interrupteur, en s’éloignant, aperçoit une jeune fille en haillons qui lui tend la main. Jusqu’où va donc le comble de l’audace et de l’impiété ? Il lui donne l’aumône ! Dites-moi si vous voulez que je vous introduise, quelques heures plus tard, à la porte d’un abattoir reculé. Le boucher est revenu, et a dit à ses camarades, en jetant à terre un fardeau : « Dépêchons-nous de tuer ce chien galeux. » Ils sont quatre, et chacun saisit le marteau accoutumé. Et, cependant, ils hésitaient, parce que le sac remuait avec force. « Quelle émotion s’empare de moi ? » cria l’un d’eux en abaissant lentement son bras. « Ce chien pousse, comme un enfant, des gémissements de douleur, dit un autre ; on dirait qu’il comprend le sort qui l’attend. » « C’est leur habitude, répondit un troisième ; même quand ils ne sont pas malades, comme c’est le cas ici, il suffit que leur maître reste quelques jours absents du logis, pour qu’ils se mettent à faire entendre des hurlements qui, véritablement, sont pénibles à supporter. » « Arrêtez !… arrêtez !… cria le quatrième, avant que tous les bras se fussent levés en cadence pour frapper résolûment, cette fois, sur le sac. Arrêtez, vous dis-je ; il