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Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/22

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Marguerite ajoutait à ses charmes physiques une rare culture intellectuelle. Amyot lui avait donné de sérieuses notions de style et dans la fréquentation de Ronsard elle avait contracté le goût de la poésie. Dans ses Lettres, comme dans ses Mémoires, on retrouve la marque de leurs doctes leçons. En outre, la société de sa mère l’avait tout naturellement disposée aux finesses diplomatiques ; et elle se serait montrée bien peu la fille de la rusée Florentine, si elle n’avait acquis d’elle la souplesse d’esprit, l’élégance de la forme et cette séduction irrésistible qui se dégageait de toute sa personne.

Ce n’était pas la première fois que Marguerite de Valois venait dans le Midi de la France. Déjà, en 1564, elle y avait suivi sa mère, au cours de cette longue pérégrination, entreprise par toute la Cour de France à travers les provinces du Lyonnais, de la Provence, du Languedoc et de la Guienne et qui la faisait ressembler à une immense caravane. Vains efforts tentés pour pacifier le royaume et dont le résultat ne répondit guère à l’attente de Catherine.

Née à Saint-Germain-en-Laye le 14 mai 1553[1], Marguerite n’avait alors que onze ans. Elle était toute enfant, rieuse, insouciante, ne songeant qu’aux plaisirs. Peu à peu cependant, en grandissant, elle devint auprès de sa mère, qui jusqu’à ce moment avait négligé son éducation morale, un facile instrument de gouvernement. Ses frères aussi commencèrent à rechercher son appui. Il faut voir dans ses Mémoires comment le duc d’Anjou la prit un jour dans une allée du parc de Plessis-les-Tours, et, l’initiant à la politique, l’arracha le premier à son ignorance heureuse. « Ce langage me fut fort nouveau, écrit-elle, pour avoir jusques alors vescu sans dessein, ne pensant qu’à danser ou aller à la chasse, n’ayant mesme la curiosité de m’habiller ny de paroistre belle, pour n’estre encore en l’aage de telle ambition[2]… » Elle lui promit de seconder ses desseins auprès de la Reine-Mère et de lui demeurer toujours fidèle. Un an ne s’était pas écoulé que ce versatile prince la prenait en aversion et lui vouait une haine qui deviendra le principal malheur de sa vie.

C’est que Marguerite atteignait dix-sept ans et que son cœur avait parlé. Toute jeune elle n’avait pas joué impunément avec Henri de Guise, ne l’avait pas vu grandir à ses côtés, ne l’avait pas accompagné

  1. C’est par erreur que plusieurs auteurs la font naître à Fontainebleau, tantôt en 1552 comme Mongez, Hilarion de Coste, le Père Anselme, etc., tantôt même en 1551.
  2. Mémoires de Marguerite de Valois, édit. Charpentier, p. 22.