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Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/28

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Péronne à Condé ; et ils jetèrent dans tout le royaume les bases de cette redoutable association, dite la Ligue, qui devait les pousser jusque sur les marches du trône. Vainement Henri III, justement effrayé, chercha à déjouer leurs projets en s’en faisant proclamer le chef. Cet acte, contraire à l’esprit du dernier édit, ne servit qu’à mécontenter les Réformés et à tenir en éveil leur jeune prince.

Tour à tour à Pau, à Nérac, à Agen, à La Rochelle, partout expédiant des ordres, relevant par sa présence le moral de ses troupes, et gagnant à lui, plus par son affabilité et sa bonne grâce que par des sièges en règle, la plupart des villes de la Gascogne et de la Guienne, Henri de Navarre, à peine âgé de vingt-trois ans, sut, en cette année 1576, non seulement faire reconnaitre son autorité dans ses États, mais, en recommandant publiquement à ses lieutenants la stricte observation de l’édit, donner des preuves de ce grand sens politique, qui sera sa maîtresse qualité.

À cet effet, il s’entend avec Damville, gouverneur du Languedoc et chef militaire du parti des Politiques, reçoit dans sa ville d’Agen, devenue sa principale résidence, toute la noblesse catholique et à sa tête le vieux Monluc qui vient, à la veille de sa mort, prendre ses ordres, gagne Villeneuve-sur-Lot, place très importante, et établit des gouverneurs à ses gages dans toutes les villes de la province. Cependant Bordeaux refuse de lui ouvrir ses portes, et il ne peut obtenir des États réunis à Blois en décembre 1576 la confirmation de la paix de Beaulieu. Bien au contraire, cette assemblée où la Ligue dominait, supplia le Roi « d’ordonner que l’exercice de la R. P. R. fut défendu tant en public qu’en particulier » et décida « qu’on inviterait le Roi de Navarre, le prince de Condé et le maréchal de Damville à venir en personne à Blois, afin qu’ils consentissent à cet article et donnassent l’exemple à leur parti en rentrant eux-mêmes dans le sein de l’Église catholique. »

C’était provoquer la reprise des hostilités. Repoussant l’invitation des États, Henri de Navarre y répondit en lançant d’Agen, le 21 décembre 1576, un manifeste « à la Noblesse, Villes et Communautez de son gouvernement de Guyenne, » où il se plaignait du manque de foi de ses adversaires. Il terminait par ces belles paroles :

« La religion se plante au cœur des hommes par la force de la doctrine et persuasion et se confirme par l’exemple de vie et non par le glaive. Nous sommes tous Français et concitoyens d’une même patrie : partant il nous fault accorder par raison et douceur et non par la rigueur et cruaulté qui ne servent qu’à irriter les