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Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/32

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En même temps que la seconde ville de Guienne reprenait sa liberté, ses habitants recevaient la nouvelle que par Lettres patentes du 18 mars 1578 Henri III, pour payer à sa sœur Marguerite la dot promise lors de son mariage, lui cédait « en échange des soixante sept mille cinq cens livres de rante qu’elle devoit prandre par chascun an sur lesdites receptes générales, son domaine d’Agenois, Rouergue, Quercy et les quatre jugeries de Verdun, Rieux, Rivière et Albigeois, sises en la sénéchaussée de Tholoze, etc[1]. »

C’était donner aux Agenais un nouveau maître, avec lequel ils eurent, nous le verrons dans la suite, plus à compter qu’ils ne le croyaient tout d’abord et qui fut la cause de nouvelles divisions dans cette malheureuse cité. Car, si le roi de Navarre n’y faisait plus que de rares apparitions, il y avait laissé d’assez nombreux partisans, se trouvant sans cesse aux prises avec le restant de la population catholique, divisée elle-même en deux tronçons, les ultras, affiliés à la Ligue et non les moins turbulents, et les modérés, c’est-à-dire les consuls, les jurats, les bourgeois, les financiers qui, fidèles avant tout à leur roi, ne demandaient que la paix et la tranquillité.

Et ce n’était pas seulement Agen qui présentait ce lamentable spectacle. Toutes les villes de la province, grandes ou petites, étaient divisées comme elle, les unes où le parti protestant dominait, comme à Nérac, Clairac, Monflanquin, etc., les autres, et c’était le plus grand nombre, où les catholiques, mécontents des concessions toujours plus considérables accordées aux réformés par la faiblesse du monarque, ne supportaient qu’avec peine leur audace et leur insolence, et, comme à Langon notamment, à Bazas ou à La Réole, en venaient chaque jour aux mains avec eux.

Enfin, pour comble d’infortunes, des bandes indépendantes, composées de gens sans aveu, parcouraient sans cesse le pays, et, arborant tour à tour les couleurs des deux partis, ne vivaient que de pillage, se livrant aux pires actes de violence et de brigandage. Vainement le roi de Navarre en Armagnac, Biron à Bordeaux et à Agen, Damville en Languedoc, se multiplient et échangent de continuelles missives pour réprimer ces désordres et, avec plus ou moins de bonne foi, faire respecter l’édit de pacification ; ils n’y parviennent qu’à grand peine et souvent reconnaissent leur impuissance.

La situation, au milieu de cette année 1578, restait donc fort troublée en Guienne et en Gascogne. Il ne fallait qu’une étincelle pour ral-

  1. Archives municipales d’Agen, BB. 33. p. 30.