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Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/33

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lumer partout la guerre. La Reine-mère, tenue très exactement au courant des évènements, s’en rendait aisément compte. Aussi, malgré sa santé déjà chancelante, malgré les inquiétudes que lui donnait son fils le duc d’Anjou, poursuivant follement la conquête du royaume des Flandres, malgré l’influence néfaste des mignons sur son autre fils Henri III, malgré surtout les sourdes menées de la maison de Lorraine, résolut-elle d’entreprendre un second voyage dans tout le midi de la France. Dans son désir d’asseoir une paix durable, Catherine était alors réellement sincère. Ses lettres en font foi. Contrairement à ce que l’on a écrit jusqu’à ce jour sur elle, elles nous prouveront par les nombreux extraits que nous en donnerons avec quel zèle elle poursuivait l’apaisement du royaume et travaillait, sans arrière pensée aucune à ce moment, à la grandeur et à la prospérité de la France.

Catherine amenait avec elle sa fille Marguerite. Les deux reines se faisaient suivre de toute leur maison. Le prétexte du voyage était de conduire sa femme à Henri de Navarre, qui, à plusieurs reprises on le sait, avait manifesté le désir de l’avoir auprès de lui. Le but réel, de chercher par sa présence, en s’abouchant directement avec les chefs des principaux partis, d’abord son gendre, puis Condé, Damville et plus loin Lesdiguières, Bellegarde et le duc de Savoie, à réviser quelques articles douteux de l’édit de Bergerac, et, soit en jetant entre eux des germes de division, comme on l’a écrit, soit plutôt en s’efforçant de les contenter par de larges concessions, à pacifier définitivement les provinces rebelles.

Quant aux moyens, ils ne manquaient jamais à la fille des Médicis. Elle comptait sur sa vieille expérience, sur la séduction encore très grande de sa personne, sur son ascendant incontesté d’ancienne régente du royaume, sur son habileté diplomatique, sur la rivalité qui existait entre les principaux meneurs. Elle escomptait aussi les charmes irrésistibles que ne pouvaient manquer d’exercer sur ces jeunes et bouillants capitaines les plus belles de son escadron volant, ces superbes créatures qui, au dire de Brantôme qui se plaît à les énumérer[1], étaient apparues naguère, à cette fête toute païenne donnée par elle sur la terrasse de Chenonceau en l’honneur de la dernière victoire du duc d’Anjou, « demi-nues, les cheveux épars comme des épousées, faisant le service. » Plus encore que sur elles, elle comptait sur sa fille Marguerite, sur sa soumission, sur sa jeunesse, sur sa beauté.

  1. Brantôme : Vie des Dames illustres. Art. Catherine de Médicis.