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Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/76

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Le 20, jour de samedi, elle prévient Damville que « Dieu aydant, elle partira de Nérac lundi prochain pour aller faire sa feste à Agen[1]. »

Elle quitta en effet Nérac ce jour là, mais ne dépassa pas le Port-Sainte-Marie.

Si, pendant ces huit jours passés à Nérac, la politique fut contraire à Catherine, sa fille Marguerite, ses dames d’honneur, le Roi de Navarre, ses courtisans, s’en consolèrent plus facilement qu’elle, en ne songeant qu’aux fêtes, qu’aux bals, qu’aux réjouissances, et disons-le aussi qu’à l’amour.

Jusqu’à ce jour en effet Henri de Navarre et ses amis n’avaient fait qu’entrevoir à La Réole, à Agen, et quelques heures à peine à Auch, le brillant cortège dont s’étaient entourées les deux Reines. À peine le temps pour chacun de jeter leur dévolu sur quelqu’une de ces jolies filles.

Cette première semaine passée ensemble à Nérac aviva leurs flammes ; si bien qu’il faut voir peut-être uniquement dans les sentiments de ces jeunes hommes, aux passions violentes, et dans leur désir de prolonger autant que possible ces heureux moments, les seuls motifs du retard apporté par eux à la fameuse Conférence. À la chronique politique et diplomatique force nous est donc d’associer dès ce moment la chronique amoureuse, et, sans donner la moindre foi aux exagérations du Divorce Satyrique, de nous faire à notre tour l’écho de ce qui se disait sous ce rapport à Nérac.

C’est le sage Sully qui, dans ses Mémoires, nous en apprend déjà fort long : « Le mélange des deux Cours, qui ne cédaient en rien l’une à l’autre du côté de la galanterie, produisit l’effet qu’on devait en attendre. On se livra aux plaisirs, aux festins, ballets et fêtes galantes. Mais, pendant que l’amour étoit devenu l’affaire la plus sérieuse de tous les courtisans, Catherine ne s’occupait que de sa politique. Pour ceste fois elle ne réussit point… De cette bigarrure de politique et de galanterie, il y aurait de quoi grossir considérablement ces Mémoires, etc.[2] »

C’est Marguerite elle-même qui, dans ses Mémoires, proclame hautement les infidélités de son mari, mais non les siennes. « La Reyne ma mère pensait demeurer peu de temps en Gascogne ; mais il survinst tant d’accidents, et du costé des Huguenots et du costé des

  1. Lettre de Catherine. Ancien fonds français, no 3202, fo  18.
  2. Mémoires de Sully, Londres, 1778, t. I, p. 154.