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Page:Lauzun - Le Château de Bonaguil en Agenais, 1897.djvu/67

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DE BONAGUIL

Car il est important de remarquer qu’à Bonaguil, plus que partout ailleurs peut-être, les tours sont à peine engagées dans les murs de garde. Très saillantes en dehors des courtines, elle les flanquent d’autant mieux qu’elles font converger sur les fossés, la plateforme et les deux boulevards tous les feux de leurs étages supérieurs. Quant aux rez-dechaussée de ces mêmes tours, on voit qu’ils sont percés, dès la base et au niveau de la crête des murs de contre-garde, d’embrasures à canons à tir rasant qui suivent la déclivité du terrain et battent les coteaux circonvoisins. C’est une innovation capitale dans le système de défense du milieu du xve siècle, qui apparaît pour la première fois, croyons-nous, en France au château de Bonaguil. Le splendide château de Pierrefonds, qui n’est antérieur à celui-ci que d’un demisiècle, ne présente à cet égard rien de semblable. Le bas de ses innombrables tours est hermétiquement fermé : et là, comme dans tous les châteaux des xive et xiiie siècles, les approches ne sont défendues que par les crénelages des étages supérieurs, c’est-à-dire par les feux plongeants.

On le voit donc, au point de vue architectonique seul, la date de la construction de Bonaguil est inscrite en caractères frappants sur toutes ses murailles. Magnifique spécimen d’une époque de transition, il sait garder du vieux système tout ce qui présente encore à cette heure quelque utilité, et il réunit en même temps, par d’heureuses dispositions, aux services anciens tout un aménagement nouveau conforme aux nouvelles armes. On peut donc dire que son architecte, dont le nom ne s’est malheureusement pas conservé, a ici, dans son œuvre magistrale, et mieux que partout ailleurs peut-être en France, admirablement résolu le problème que s’imposaient les constructeurs militaires dans l’élévation des places fortes du milieu du xve siècle, et que Viollet-le-Duc résume dans cette formule : « Battre les dehors au loin, défendre les approches par un tir rasant des bouches à feu, et se garantir contre l’escalade par un commandement très