Page:Laveleye - Les Nibelungen.djvu/145

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Elle pensa au récit qu’elle avait fait à Hagene ; elle n’osait le lui avouer. Elle se prit à gémir, la noble reine, de ce qu’elle eût jamais reçu l’existence. Elle versa des larmes sans mesure, la femme merveilleusement belle.

Elle dit au guerrier : — « Laisse-là cette chasse. J’ai rêvé cette nuit d’un malheur, comme si deux sangliers sauvages te poursuivaient sur les bruyères ; et les fleurs en devenaient rouges. En vérité, c’est une grande angoisse qui me fait ainsi pleurer.

« Je crains fortement des machinations ennemies. Nous avons pu desservir quelqu’un qui nous aura voué une haine mortelle. Reste ici, cher seigneur, mon dévoûment te le conseille. »

— « Mon amie chérie, dans peu de jours je serai de retour. Je ne connais personne ici qui pourrait me porter de la haine. Tous tes parents me veulent également du bien. Aussi n’ai-je pas mérité de leur part un autre sentiment. »

— « Non, mon seigneur Siegfrid, je crains que tu ne succombes. J’ai rêvé cette nuit d’un malheur, comme si deux montagnes tombaient sur toi, et jamais je ne devais te revoir ! Oh ! si tu veux me quitter, cela me fera de la peine jusqu’au fond du cœur. »

Il saisit dans ses bras la femme riche en vertus et couvrit son beau corps de tendres baisers. Puis il se hâta de se séparer d’elle et de partir. Hélas ! depuis ce moment elle ne le vit plus jamais vivant.

Ils chevauchèrent vers une forêt profonde ; maint guerrier rapide suivait Gunther et Siegfrid, par divertissement. Gêrnôt et Gîselher voulurent rester au palais. Hélas ! Kriemhilt ne vit plus jamais son époux vivant.