Page:Laveleye - Les Nibelungen.djvu/331

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ont haché à mon bras le bouclier que dame Gœtelint m’a donné. Je l’avais porté amicalement dans le pays d’Etzel.

« Que le Dieu du ciel m’accorde de pouvoir posséder encore un aussi bon bouclier que celui que vous avez à votre bras, ô très noble Ruedigêr, et alors je n’aurai plus besoin de haubert dans le combat. »

— « Bien volontiers vous ferais-je don de mon bouclier, si j’osais vous le présenter en présence de Kriemhilt. Mais n’importe ! prenez-le, Hagene, et portez-le à votre bras. Puissiez-vous l’emporter au pays des Burgondes ! »

Quand il offrit si généreusement de lui donner son bouclier, bien des yeux pleurèrent à chaudes larmes. Ce fut le dernier présent que Ruedigér de Bechelàren fit à un guerrier ; depuis ce moment, il n’en fit jamais plus.

Quelque farouche et quelque animé de fureur que fût Hagene, il fut ému de ce don que ce bon héros lui faisait, si près de ses derniers moments. Maints nobles chevaliers se prirent à pleurer avec lui.

— « Que le Dieu du ciel vous rémunère, très noble Ruedigêr, jamais votre pareil n’existera plus, faisant des dons si magnifiques à des guerriers étrangers. Dieu permettra que votre vertu vive à toujours.

« Malheur à moi à cause de cette nouvelle, ajouta Hagene ; nous avions déjà tant de maux à souffrir. Qu’il nous faille encore combattre contre des amis, voilà ce dont je me plains à Dieu. » Le margrave répondit : — « C’est aussi pour moi une profonde douleur. »

— « Je vous tiendrai compte de votre don, très noble Ruedigêr. Quoi que puissent faire à votre égard ces