Page:Lavelle - Leçon inaugurale faite au Collège de France, 1942.djvu/43

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ne le subordonne que pour le connaître ; mais il reste la fin de toutes nos pensées. C’est là une illusion dont il est difficile de se délivrer.

Pourtant ma conscience n’a de commerce qu’avec d’autres consciences, et non point avec les choses, bien que celles-ci leur servent à toutes d’obstacle et de point d’appui. Et quand nous nous demandons quel est le monde réel dans lequel nous habitons, ce n’est point cette sorte d’immense désert des choses qui s’étend depuis notre corps jusqu’aux étoiles, qui nous demeure étranger, quelle que soit sa beauté ; c’est cette société vivante que nous formons avec nous-même et avec toutes les autres consciences, qui est invisible et mobile à la fois, mais qui est telle pourtant qu’il n’y a rien en elle d’indifférent, qu’elle donne un sens à tout ce que nous faisons, qu’elle est le lieu de toutes les initiatives, de tous les appels que nous pouvons faire et de toutes les réponses que nous pouvons recevoir, qu’elle nous révèle l’infinité d’une solitude qui est la nôtre, et qui pourtant est la vôtre et celle de tous. En cet instant même où je parle,