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JEAN COSTE

à propos, Coste, vous ne sympathisez guère avec le père Largue. Espérez-vous toujours un déplacement ?…

— Je ne sais rien de rien… mais le bonhomme file doux avec moi depuis la rentrée… Ça ne me dit rien qui vaille… Vous savez que le singe est faux comme un jeton et qu’il ne m’aime guère, depuis que j’ai refusé d’aller, tous les soirs, lui faire sa partie de piquet, ou de tric-trac… Je crois qu’il sait quelque chose… Réflexion faite, si j’ai mon changement, ça m’est égal… Il est temps à mon âge de débuter comme titulaire dans une école de village. Il n’y a que ma femme qui m’ennuie en cela. Je ne lui ai rien dit, mais je sais que ça lui fera beaucoup de peine de quitter son pays natal… Pourtant, si une nomination me vient, elle s’y fera et, quant à ses parents, ils s’y résoudront aussi.

— Moi, — fit le second adjoint, — je ne veux pas tâter du village encore… on s’y moisit trop !

— Ni moi non plus, — appuya le troisième, — on y gagne maigre et on y est trop ennuyé…

— Vous êtes jeunes encore, vous, — dit Coste. — Que voulez-vous, on ne peut néanmoins rester adjoint toute sa vie : me voilà proche de la trentaine… Vous savez que l’inspecteur d’académie a son dada. Pour être nommé directeur d’une école importante, il faut, avec lui, avoir passé plusieurs années dans une école de village. Il n’a pas tort d’ailleurs, à mon humble avis… Aussi souhaité-je, pour mon avenir, qu’une nomination m’arrive…

À ce moment, la sonnette de la porte d’entrée tinta.

— Le facteur ! — fit Coste, en regardant par dessus le parapet de la cour.

Déjà, M. Largue, son sécateur à la main, rejoignait le facteur. Gravement, il posa son binocle sur son grand nez recourbé et parcourut les suscriptions des lettres. Puis, avec un sourire faux et malicieux, il se dirigea vers la cour, tout en humant une prise avec un air de satisfaction.