Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/110

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— C'est vrai, mais le vin est tiré, il faut le boire... Qui sait ? ça peut changer... En tout cas, dites-vous bien ceci : moins on aura de candidats aux écoles normales, mieux ça vaudra pour nous. Le jour où les écoles normales seront presque entièrement délaissées, on sera bien obligé de penser à nous, d'améliorer nos traitements.

— En attendant, tant pis pour nous qui y sommes... On nous paie de mots et on nous prie de patienter... Non, nous n'avons rien gagné, quoi qu'on en dise, à toutes ces prétendues améliorations.

— Mais, — objecta l'un d'eux, nous sommes du moins fonctionnaires de l'Etat maintenant et c'est quelque chose.

— La belle jambe que ça nous fait! Comment ? Vous coupez dans ces ponts-là, vous? En êtes-vous moins que par le passé soumis au maire, aux conseillers municipaux, aux délégués cantonaux et tutti quanti !... En outre, sous prétexte que nous sommes payés par l'Etat, la plupart des communes ne donnent aujourd'hui aucun supplément à leurs instituteurs. Combien d'entre nous n'ont-ils pas perdu à cela! Ou bien savez-vous ce qu'on vous dit dans certaines villes : Soit, nous allons voter des suppléments, mais vous ferez double tâche.

— Et alors ce sont des surveillances à n'en plus finir, des besognes écrasantes avec juste le temps pour prendre vos repas. Dans telle sous-préfecture, on ira jusqu'à demander aux instituteurs de faire trois, quatre heures de plus par jour, sans compter les matinées du jeudi et du dimanche consacrées à une surveillance. Alors, pas un jour complet de repos. Et les devoirs à corriger, et les leçons à préparer après la classe!... une vie de forçat, quoi!... Rien d'étonnant si ceux qui ont la poitrine faible s'en vont téter les racines de cyprès bien avant l'âge de la retraite...

Tous se rangèrent à cette opinion et bientôt chacun dit son mot. On se complût à étudier, à exagérer avec un découragement profond, avec une amertume croissante, les plaies se-