Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/122

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Et comme Jean insiste doucement, elle lui dit, les dents serrées:

— Laisse-moi tranquille à la fin des fins... je ne veux pas...

Ta femme, tu devrais la fouetter, car elle ne respecte pas ta mère... va-t'en, va-t'en, ingrat... tu t'entends avec elle.

Puis, c'est le tour de Louise :

— Bah! — dit-elle, — si elle ne veut pas venir, tant pis! elle n'en mourra pas.

— Oh! Louise, Louise ! sois bonne ! — fait Jean sur un ton de reproche.

— Je vois bien que tu la soutiens, que tu ne m'aimes pas ! — répond celle-ci dans une crise de larmes. — Oh! ma mère, ma mère !...

Et, après le dîner silencieux, quand tous enfin sont couchés, Jean reste seul dans la cuisine. En vain, il voudrait se livrer à ses occupations habituelles. Effondré sur une chaise, la tête entre les mains, il songe à sa vie de misère et de douleur. Et tandis que les heures tintent une à une au clocher de l'église enveloppée de nuit, tandis que des averses soudaines crépitent, de quart d'heure en quart d'heure, sur les tuiles du toit et sur les carreaux de la fenêtre, avec un bruit de galets agités par la mer montante, il sent une détresse affreuse lui submerger le cœur. Et il s'attarde là.

XVIII

Le lendemain, la vie reprit comme de coutume. Cependant, ce ne fut qu'à l'heure du déjeuner que Caussette quitta sa chambre. Elle paraissait très lasse, traînant plus qu'à l'ordinaire ses pieds chaussés de gros sabots. En s'asseyant à table, elle eut une crispation de souffrance sur sa figure ridée et ne put retenir un léger cri. Jean qui l'observait