Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/141

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le peu qui restait comme une avance, elle lui demanda :

— Mais alors, tu vas de nouveau prendre à crédit chez les fournisseurs ?

— Tiens, pourquoi pas ? — repartit Jean. — On ne leur doit maintenant plus rien, à eux ni à personne. Je ne tiens pas à demeurer désormais sans argent dans la maison. C’est prudent. Sait-on jamais ce qui peut arriver ! Cette réserve sera pour toi, pour te mieux soigner… De plus, qu’est-ce que ça peut leur faire aux boutiquiers… tous les fonctionnaires n’agissent-ils pas ainsi ?… et puis, maintenant que nous n’avons plus d’arriéré, mais bien des avances dans l’armoire, les factures seront payées recta tous les mois.

Louise paraissait convaincue. Jean insista pourtant :

— Après tout, — ajouta-t—il fièrement, — les fournisseurs savent désormais que nous sommes solvables. Ils nous croient même riches et s’imaginent que j’ai hérité de plus de trois mille francs… L’un d’eux me l’a dit hier… Depuis que je ne leur dois rien, ils sont si aimables, si prévenants ; ils m’offrent leur boutique entière et ils m’ont prié même de ne pas me gêner, d’envoyer chaque jour les enfants ou la femme de ménage et de passer à la fin du mois pour régler. Nous garderons donc cette réserve. Toi, tu vas te soigner, tu guériras et nous pourrons ainsi congédier la femme de ménage. Alors mon traitement suffira, sois sans crainte.

Que répondre à cela ? Louise d’ailleurs s’était peu à peu désintéressée du ménage : elle laissait, par suite de sa santé chancelante, Jean s’occuper de tout et diriger tout. Elle ne fit plus aucune objection.

Vers ce temps, Coste eut la visite de son inspecteur. Ayant plus d’assurance et s’adressant à des élèves qu’il connaissait bien, il produisit une meilleure impression sur son chef, qui s’en retourna en exprimant sa satisfaction et non sans avoir fait allusion à l’échec de l’instituteur, lors de la conférence pédagogique.