Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/142

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Jean, sans dire toute la vérité, lui répondit alors :

— Voyez-vous, monsieur l’inspecteur, je suis très timide en présence de mes collègues. Outre que j’étais fort ému, j’avais ma pauvre mère et ma femme malades et j’étais trop occupé et trop soucieux pour songer la veille à préparer ma leçon. Aussi, fus-je pris tout à fait au dépourvu.

— Je comprends, je comprends, — fit l’inspecteur en souriant ; — mais débarrassez-vous de cette timidité, qui aurait pu vous être préjudiciable. Allons, bon courage et au revoir.

Il serra la main de Coste. Du reste, il s’était informé et, sachant maintenant quelles étaient les charges de ce garçon courageux, il ne l’en estimait que plus et comprenait fort bien la cause de la mauvaise tenue qu’il avait remarquée le jour de la conférence.

Coste, ayant reconduit l’inspecteur au passage de la diligence, rentra chez lui en sifflotant. Il se frotta les mains de contentement, et dit à Louise :

— En voilà un qui s’en va satisfait. Allons, ma Louise, tout s’arrangera, au gré de nos désirs.

Et dans l’exubérance de sa joie, il prit les deux jumelles qui gazouillaient dans leur berceau, les baisotta tour à tour, puis, une sur chaque genou, il s’amusa à les faire sauter en leur disant d’une voix puérile :

— Allons, les mignonnettes, risette à votre papanou.

Mais tout à coup il s’arrêta, devenu grave. Le souvenir de sa mère, disparue à jamais, venait de s’éveiller en lui, évoqué par le bâton de cornouiller, posé contre le chambranle de la porte, avec lequel se guidait Caussette. Il se dit qu’en somme c’était à elle, à ses économies péniblement amassées et jalousement conservées, qu’il devait sa tranquillité. Puisque tout ici-bas, le bien comme le mal, a sa rançon, la mort de sa mère n’était-elle pas comme la rançon de son bonheur actuel ? Alors il eut vers celle qui dormait là-bas, dans le