Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/146

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menues dépenses imprévues et en achats de coûteux médicaments pour Louise.

Espérant toutefois que M. Rastel se jouait de lui, voulait lui faire peur pour échauffer son zèle, il objecta :

— Mais je croyais que nous avions près de vingt voix de majorité.

— Nous les avons eues, c’est vrai… mais on s’est aidé, que diable ! je l’avoue… suffit !… Alors, vous savez, il est temps de veiller au grain, de se secouer, bref !…

Coste connaissait mal cette cuisine, toujours un peu sale, d’élections. Il respira. Tout n’était donc pas désespéré. Du moment qu’il s’agissait de défendre le pain des siens, il ne marchanderait pas son dévouement. Aussi promit-il, sans hésiter, son concours pour une active propagande auprès de ceux qui, parmi les parents de ses élèves, passaient pour tièdes ou indifférents.

M. Rastel lui donna quelques indications ; les têtes commençaient à s’échauffer, depuis quelques jours ; les conservateurs étaient prêts à tout, car ils prétendaient avoir été « volés » jusqu’ici.

Coste ne s’arrêta pas à ce mot souligné pourtant par le maire et dans lequel il ne vit qu’une de ces exagérations dictées par l’esprit hostile des partis.

De ce jour, il plongea, tête baissée, au milieu de la lutte naissante. Lui qui, après avoir fini sa classe, ne sortait jamais que pour conduire les siens à des promenades champêtres, il quitta tous les soirs sa maison. Il causait avec l’un et l’autre, de préférence avec les pères de ses élèves et s’efforçait d’amener la conversation sur le terrain des élections prochaines. Cela, non sans maladresse et sans gaucheries, car il ne connaissait guère ni les gens, ni l’état d’esprit du pays. Il agrippait surtout ceux que le maire lui avait désignés comme indécis, s’évertuait à les convaincre, n’ayant pas de cesse qu’il ne crût les avoir gagnés à ses idées. Tant il fit