Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/145

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Coste ouvrait déjà la bouche pour protester, M. Rastel reprit aussitôt :

— Oh ! je n’attache aucune importance à cela, moi… Je sais fort bien que vous êtes des nôtres. Je ne suis pas un mangeur de prêtres, moi, quoique bon républicain… Et puis après tout, l’abbé Clozel est un digne homme que j’estime fort et qui sait se tenir à sa place… A Dieu plaise que tous les curés fussent comme lui !… Mais je ne vous dis ça que dans votre intérêt. Vous n’êtes pas riche, n’est-ce pas ? eh bien !…

— Eh bien ? — répéta Jean ennuyé par cette interrogation qu’il trouvait trop sans-façon et même un peu blessante pour son amour-propre.

— Eh bien ! s’ils sont élus contre nous, les réacs ont décidé de vous enlever le secrétariat de la mairie.

Coste pâlit.

— Pas possible ! — s’écria-t-il. — Mais à qui donc le donneraient-ils ?

— Té ! à Gustou, le cousin germain de Piochou… vous savez, de M. Pioch, celui qui guigne mon écharpe, le chef des conservateurs, des culs-blancs enfin, vous savez bien… Gustou, le grand Gustou est un blanc-bec, un bélître presque… mais il a appris chez les Frères ignorantins de la ville à faire de beaux paraphes et des lettres moulées… Il prétend mieux écrire que vous en ronde et en bâtarde !… Encore qu’il ait du bien, il a les dents longues, comme un bon réac, et il trouve que deux cent cinquante francs par an, surtout pour si peu de besogne, c’est bon à prendre… Et voilà ce qui vous pend à l’oreille, hein !…

Coste resta bouche bée. C’était grave, cela. Vingt francs de moins par mois, plus moyen d’équilibrer son maigre budget ; derechef, ce serait la misère, sans issue cette fois. En dépit de sa belle confiance, il se rappela subitement que l’avance gardée dans l’armoire s’écornait chaque jour, se fondait en de