Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/153

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d’élection, il croyait fermement au respect de la parole donnée et ce qu’on appelle « les surprises du scrutin » n’avait aucun sens pour lui.

A la longue, M. Rastel s’impatienta de la réserve ou plutôt, comme il disait, de la bêtise de l’instituteur. Un soir, il parla à dessein de certains villages voisins dont les municipalités réactionnaires se maintenaient adroitement à la mairie, malgré les progrès incontestables des républicains, qui, jadis, formaient la minorité, mais possédaient à cette heure une majorité de plusieurs voix, comme l’avaient démontré un pointage impartial et les élections législatives qui avaient suivi.

D’un ton sans réplique, le maire dit à Coste :

— Vous voyez donc comment s’y prennent nos adversaires.

— Ils ont tort, — répondit l’instituteur directement interpellé.

— Mais, vous savez, c’est de bonne guerre, cela… On serait bien bête de ménager les culs-blancs… Au reste, rappelez-vous l’Empire et le Seize-Mai ; est-ce qu’ils se gênaient eux, alors ? Puisque vous apprenez l’histoire à nos mioches, vous ne direz pas que c’est de la légende, hein ?

— D’accord, mais la République est assez forte pour ne point se modeler sur l’Empire et le Seize-Mai… Pour moi, d’ailleurs, notre succès est certain…

— Possible, mais c’est à savoir… À ce que je vois, vous tenez à vos illusions, cristi… Ça s’est toujours fait et nous n’en ferons jamais autant que nous en ont fait les réacs, qu’ils en font encore et qu’ils en feront, là où ils sont les maîtres… Ah ! ils en ont des tours dans leur bissac, ces bougres-là. Mieux que nous ils s’entendent à escamoter la muscade. Tenez, interrogez ces messieurs et ils vous raconteront comment nos adversaires agissaient ici, quand ils détenaient le pouvoir.