Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/167

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à l’occident, Jean se levait et jetait un appel qui mettait fin aux ébats de la chèvre et des enfants. À ce cri, Mémé accourait aussitôt vers lui et d’une langue gourmande léchait dans la main de Coste les quelques grains de sel qu’il ne manquait jamais d’apporter. On revenait tranquillement à Maleval, en respirant la fraîcheur balsamique qui imprégnait l’air du soir. Tous mangeaient ensuite avec un appétit qui faisait dire à Jean volontiers :

— Mieux vaut payer le boulanger que le médecin et le pharmacien.

Avant la fin du repas, Rose et Paul, rassasiés, luttaient contre le sommeil. Jean disait alors :

— Le marchand de sable, Rose, qui est derrière toi.

— Où qu’il est ?

— Ah ! dès que tu as ouvert les yeux, il est parti par la fenêtre.

— Dis, et comment qu’il est le marchand de sable ? — faisait Paul à son tour.

— A-t-il de beaux habits ?

— Bien sûr. Son manteau est tout noir. Il a des vers luisants sur son chapeau, des rayons de lune sur ses habits et une étoile à chacun de ses souliers… Tiens ! le voilà là-bas… Ah ! tu ne t’es pas retourné assez vite ; fft ! il est reparti encore !…

Louise, une pâle fleur rose à chaque joue, les servait en souriant, heureuse d’agir, mais ayant elle aussi grande envie de dormir. Bientôt, au milieu de ces bavardages toujours les mêmes et toujours délicieux, les yeux des petiots se fermaient et ils s’endormaient tout à fait sur la table. Jean les couchait alors lui-même, sans les réveiller presque, tant ses doigts même s’étaient habitués, maternellement, à cette chère besogné. Et cette vie tranquille, cette tâche de tous les soirs étaient on ne peut plus douces à son cœur affectueux, d’où toute inquiétude était absente. Comment son insouciance ne serait-elle pas revenue ? Il ne se forgeait pas d’autres félicités