Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/192

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Mais ses bras retombèrent. Il eut peur. Peut-être, en effet, en cas de plainte, on le considérerait comme coupable. Pauvre, on est pestiféré ; les âmes compatissantes se font rares autour de vous. Et puis, à quoi bon ?

XXXIII

Jean eut un dernier espoir.

Après la mort de sa mère, il s’était abonné à un journal pédagogique qu’il recevait chaque semaine. Un rédacteur indépendant y bataillait régulièrement en faveur des instituteurs, signalait les abus de tous genres, se faisait l’écho des plaintes, des misères, sur lesquelles il appelait l’attention de l’administration supérieure.

Jean crut peut-être que son triste sort attendrirait tout le monde et soulèverait un cri de réprobation ; peut-être aussi obéit-il à un sentiment amer de révolte et voulut-il clamer sa détresse. Il écrivit une lettre simple et navrante dans laquelle il exposait tout ce que sa situation avait de lamentable et d’effrayant, s’il n’obtenait aucun secours du ministère. La lettre fut insérée et même commentée en quelques lignes vibrantes de pitié.

Jean espéra. Qui sait ? dans ce ministère où l’on brassait tant d’argent, il y avait certainement un fonds spécial pour les secours. On le plaindrait, on lui enverrait quelque somme. Puis il se dit :

«  A quoi bon, d’ailleurs. Que l’on m’envoie cinquante, cent, deux cents francs même, ne sera-ce pas à recommencer aussitôt ? »

Il songea aussi que s’il avait fait connaître son nom et son adresse, beaucoup de ses collègues, moins malheureux