Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/21

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Rose, bébé de trois ans et demi, parurent sur le palier. Ils passèrent leurs têtes ébouriffées et mutines entre les barreaux de la rampe, et s’écrièrent joyeusement :

— Y’là p’pa… Bonjour, bonjour, pérotte !

Jean mit un gros baiser sur les joues offertes. Il trouva sa femme affalée sur une chaise basse, et se plaignant de mal au cœur. Il l’embrassa et la regarda avec tendresse. Malgré la pâleur plus accentuée de ses joues tirées, malgré le cerne de ses yeux, malgré ses lèvres décolorées, elle lui paraissait toujours la chère et adorable créature d’antan.

Sous ce chaud regard d’amour qui l’enveloppait toute, la figure souffrante de Louise s’épanouit : elle sourit et ses gencives apparurent presque aussi blanches que ses dents.

— Mais, — remarqua-t-elle, — il est donc déjà midi que tu sois là… Je ne croyais pas qu’il fût si tard.

— À peine onze heures, chérie… C’est une surprise… je viens de chez l’inspecteur et, en passant, j’ai voulu t’embrasser.

— Mon bon Jean, — murmura-t-elle en souriant.

— Tu sais, — fit-il, — il y a du nouveau… Devine.

— Quoi donc ?… je ne sais pas.

— Oui, du nouveau, devine, — répéta-t-il, embarrassé.

— Une augmentation de traitement ?

— Non, malheureusement ; je crois que j’attendrai encore.

— Alors ?… alors ?…

Louise réfléchit, puis comme une enfant gâtée :

— Est-ce que ça me fera plaisir ?

— Euh ! euh ! je n’en sais trop rien… couci-couci… Non, plutôt, car tu aimes trop ton Peyras…

Elle n’osa comprendre.

— Mais parle donc ! — s’écria-t-elle, impatiente.

— Eh bien !… eh bien ! ma chérie, c’est qu’il va falloir emballer tout ça et… partir pour Maleval où je suis nommé.

Il tira sa nomination de sa poche, la déplia et la lui tendit.