Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/38

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les coqs et les poules et qui riaient aux éclats des coincoins apeurés des canards en émoi.

L’agacement qu’il éprouvait, par suite des fatigues de la matinée, tomba soudain. Les caresses reposantes des petits lui rendirent le calme et son cœur se dilata à leurs interrogations naïves.

— Dis, papa, c’est des poules à gros bec, les canards, — affirma Paul.

— Bien bon, le canard, les poulettes, — bégaya Rose, déjà gourmande et alléchée.

Ils babillèrent à qui mieux mieux jusqu’à l’école. Louise couvrit ses enfants de baisers, reprise par son énervement de la veille, au milieu de tous ces meubles en désordre, et retenant une forte envie de pleurer.

Ils déjeunèrent de leurs dernières provisions et firent leurs comptes. Tous frais payés, il leur restait douze francs, et quelque menue monnaie. Or, on n’était qu’au 13 octobre.

Louise se désola. Comment feraient-ils jusqu’à la fin du mois ?

— Pardi ! — repartit Jean, plein d’insouciance, — on nous fera crédit ce mois-ci. Dès demain, je vais demander une indemnité de déplacement et nous payerons alors notre arriéré.

Jean, mal aidé par Louise incapable d’un effort quelconque, dressa péniblement les lits dans l’après-midi.

Le soir, ses élèves partis, il fit un brin de toilette, enfila des gants et se rendit chez le maire qui, lui avait-on dit, ne rentrait de son mas qu’à la nuit tombante.

M. Rastel, commis principal des contributions indirectes, ayant pris sa retraite cinq ans auparavant, vivait depuis lors dans son village natal et en était devenu le maire. Il passait son temps à la chasse.

C’était un homme tout grisonnant, lourd et courtaud. Il portait binocle ; mais, comme il avait un nez camard et