Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/97

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— Oui, mais il faudra les payer, ces dettes, ou gare la saisie-arrêt. Et puis, les mauvaises notes, les observations moroses des chefs…

— Peuh ! les mauvaises notes — un emplâtre sur une jambe de bois… Quant aux dettes, flûte ! on les paiera, à la longue. Que diable ! on saura bien se mettre en chasse, le moment venu, battre les buissons et lever quelque bon gibier parmi les demoiselles du village… Pourquoi ne pas dénicher quelque paysanne qui, pour être madame, car je suis, moi, un monsieur, m’apportera et ses biaux écus et ses vignes… On bouchera les trous avec.

Et comme tous autour de lui se tordaient, il s’excitait, blaguant de plus en plus fort. Maintenant, avec le ton d’un charlatan dégoisant son boniment, avec les grimaces d’un clown de foire paradant à l’entrée de sa baraque pour l’émerveillement des badauds, il poursuivait :

— Si quelqu’un parmi vous connaît ce phénix, cet oiseau rare, qu’on me l’adresse. Je ne suis pas regardant. Que la future soit bancale, borgne, tordue, bossue, vieille à n’avoir plus de dents, même le chef branlant, peu m’en chaut. Le magot, c’est l’essentiel.

Les rires redoublèrent. Bertrand triomphait, redressant sa jolie tête à l’évant. Cependant, les institutrices commençaient à trouver le cynisme du jeune homme odieux en pareille et si sérieuse matière : quelques-unes s’éloignèrent, mécontentes de ce verbiage continu.

Mais, sous ces exagérations voulues, à travers ce bagou de faubourien cherchant à épater, les jeunes gens retrouvaient traduit, par trop crûment il est vrai, l’un de leurs plus chers désirs : faire un bon mariage.

Eux aussi, pour la plupart, étaient contaminés par la lèpre de notre temps : l’amour exclusif, la possession de l’argent. Plusieurs étaient entrés à l’école normale primaire sortant pour la première fois de leur village, mal