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Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/130

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que je la doterai, on se trompe. J’ai bien assez fait pour elle ; songez donc, Madame, elle m’a coûté gros. Elle a été élevée à l’abbaye Saint-Étienne aux frais du roi, c’est vrai, mais depuis elle est à ma charge. Je pourrai tout au plus lui donner un petit trousseau. M. le marquis se méprend s’il compte sur autre chose, certainement.

– M. de Malignac ne demande rien, Madame, il offre de reconnaître une dot à Mlle Sabine ; il payera les frais de la noce, le trousseau, tout : il vous fera un beau présent. Il ne veut que le cœur et la main de Mlle Sabine. Il est fort riche, il est romanesquement épris : cela explique tout.

– Eh bien ! reprit la baronne, je n’ai plus quinze ans, et je me croyais bien expérimentée, mais jamais je n’ai vu chose pareille. Dites, je vous prie, à monsieur votre cousin que son procédé me touche fort, et que j’en parlerai à ma nièce.

– Mais, dit l’intendante, il faut arranger une entrevue. Quel jour voulez-vous venir passer la soirée chez moi avec ces demoiselles ? Jeudi vous plairait-il ?

– À merveille, dit Mme de Haütern : qui inviterez-vous ?

– Mais je ne sais trop... le chevalier, le secrétaire, des gens sans conséquence ; pas de femmes, n’est-ce pas ?

– Oh ! non. Si cela ne vous contrariait pas, je vous prierais d’inviter les frères Gottlieb.

– Ces deux gros banquiers à figure épanouie qui étaient habillés en Turcs l’autre soir et n’ont pas prononcé une syllabe de toute la soirée, de peur d’avaler leurs moustaches ? Je ne demande pas mieux. Voulez-vous que j’essaye d’en faire vos gendres ?

– Ils y pensent déjà, dit mystérieusement Mme de Haütern.

– Vrai ! Ah ! ce sera charmant. Trois noces en une ! Du coup, il faudra que tout Strasbourg entre en danse. Je vais préparer mes toilettes. Ah ! que je vais m’amuser ! »

Dans sa joie, elle sauta au cou de la baronne, et celle-ci, ayant eu la naïveté de l’embrasser, se remplit la bouche de céruse et de carmin.

À la grande surprise de Sabine, la couturière vint le lendemain lui essayer une robe de soie fond rose, à grands ramages de fleurs, d’oiseaux et de papillons brochés en