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Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/135

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VII

L’ABBAYE SAINT-ÉTIENNE


Lorsque le roi Louis XIV, en l’année 1700, vingt ans après la réunion de Strasbourg à la France, avait fait don aux religieuses de la Visitation-Sainte-Marie des bâtiments et des terres de l’abbaye Saint-Étienne, fondée par sainte Attale au VIIe siècle, et tombée aux mains des luthériens depuis 1539, il avait mis pour condition de cette donation royale que les religieuses de la Visitation recevraient dix jeunes filles pauvres de la noblesse d’Alsace, et les entretiendraient gratuitement de l’âge de sept à dix-huit ans.

Grâce à cet ordre royal, Sabine Lichtlin avait été ainsi élevée à la Visitation, et plus d’une fois la révérende mère de Leyen, qui l’aimait chèrement, avait souhaité que la vocation religieuse vint à cette jeune fille, si belle, si candide et si pauvre. Mais cette vocation n’était pas venue, et, tout en aimant son couvent, Sabine avait vu avec plaisir s’approcher le moment où elle quitterait le cloître. L’égalité parfaite avec laquelle les religieuses traitaient leurs pensionnaires, dont quelques-unes étaient des princesses, faisait illusion à la jeune orpheline. Elle croyait trouver dans le monde la même générosité, la même noblesse de sentiments. Elle fut cruellement détrompée. Son cœur aimant ne rencontra que froideur : sa fierté fut blessée, et plus d’une fois elle s’était dit : « Que ne suis-je restée au couvent ! » Mais elle se sentait attirée vers une autre vocation, et lorsqu’elle voyait une jeune mère de famille sourire aux jeux de ses enfants, les mener à l’église et faire répéter à leurs lèvres si pures les mots de la Salutation angélique, Sabine souhaitait les joies de Nazareth, les joies du foyer chrétien. La lettre de son vieil ami, la bague mystérieuse lui semblèrent