en 1886, au cours des représentations, à Bayreuth, où il était venu, déjà souffrant, rendre visite à sa fille, et apporter encore une fois l’hommage de son affectueuse admiration à l’œuvre de l’ami qu’il avait été un des premiers à comprendre, et qu’il n’avait cessé de consoler et de réconforter dans le pénible chemin de la gloire.
Quand on lit la correspondance de Wagner, ses
biographies, et qu’on se rend compte des luttes qu’il a eu à
soutenir, des difficultés sans nombre qui se sont trouvées
sur sa route, des mauvais vouloirs, des entraves
inintelligentes qui ont retardé pendant des années
l’épanouissement de ses travaux, qui sont allés, non jusqu’à le faire
douter de son génie, il le sentait trop vibrant en lui pour
pouvoir le méconnaître, mais jusqu’à le faire douter s’il
pourrait jamais lui permettre de déployer ses ailes ; quand
on se rappelle toutes ces amertumes, toutes ces tristesses,
et qu’on voit maintenant l’œuvre debout, vivante,
grandissant chaque jour et groupant autour d’elle tant de
dévouements fidèles, cette ville de Bayreuth, presque ignorée
jusqu’ici et portant aujourd’hui inscrit pour toujours en
lettres d’or dans son histoire ce nom prestigieux qui lui
met une auréole lumineuse, ces milliers de pèlerins
accourant de tous les points du monde pour apporter ici le
tribut de leur culte enthousiaste, et qu’on songe que tout
cela est le résultat de la volonté et de la grandeur de
pensée émanant d’un cerveau humain, on reste silencieux,
pensif, pénétré d’admiration pour cette prodigieuse
intelligence et cette organisation inouïe, dont on ne
retrouverait pas le pendant parmi les annales du passé.