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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

Il prononçait : Naun ! Naun ! Naun ! avec un accent de bête féroce, et Mme Rossini, peu habituée à voir ses avances ainsi accueillies, recula terrorisée.

Ce soir-là, comme la plupart du temps, ce fut Diémer qui joua, et on n’y perdit pas grand’chose.



Puisque j’ai parlé de Rossini, que j’ai eu l’honneur de fréquenter très intimement dans les dernières années de sa vie, je veux vous conter deux petites historiettes qui n’ont rien à voir avec le Conservatoire, ni même avec la musique ; cela nous changera un peu.


Une des choses que Rossini appréciait en moi, c’est que j’avais à Bordeaux un ami qui saisissait toutes les occasions possibles de m’envoyer de ces excellentes sardines qu’on ne pêche que dans le golfe de Gascogne, et qu’on appelle des royans.

A présent, on en trouve chez tous les marchands de comestibles, mais en ce temps lointain où les moyens de transport de la marée étaient moins rapides, moins perfectionnés, c’était une véritable rareté de pouvoir se procurer à Paris des royans frais, et il est indispensable qu’ils soient rigoureusement frais, car la seule vraie manière de les manger, que le fin gourmet n’ignorait pas, c’est de les manger entièrement crus.

Pour qu’ils m’arrivassent dans cet état de fraîcheur, extraordinaire alors, il fallait que le voyageur qui consentait à s’en charger prît le panier qui les contenait avec lui, dans son compartiment, et que plusieurs fois pendant le trajet il eût la constance de renouveler la provision de glace. C’était un vrai dévouement.

Or, chaque fois que je recevais des royans, sans perdre une