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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

Moi : Madame, je suis tout à vos ordres ; pourrais-je savoir ce qui me vaut l’honneur de votre visite ?

La dame : Oh ! monsieur, c’est bien simple. Mon mari est colonel du 215e régiment de ligne, en garnison à Martignac (Rhône-et-Garonne) — je salue, — et nous avons là un jeune chef de musique auquel nous portons le plus vif intérêt ; figurez-vous, monsieur, qu’il a, en quelques années, complètement transformé notre musique ; elle était piteuse, notre musique, une des dernières de l’armée ; il l’a tellement transfigurée qu’à présent ce n’est plus seulement la population de Martignac qui assiste à nos concerts du dimanche, mais qu’on y vient de toutes les garnisons voisines, ce qui n’est pas médiocrement flatteur pour nous. Aussi n’ai-je pas hésité à faire un assez long voyage pour venir vous parler chaudement de lui, vous dire quel homme c’est, espérant que vous voudrez bien être mon interprète auprès de vos collègues de la commission.

Moi : Je dois vous dire, madame, que dans ces commissions, les choses sont faites très sérieusement, bien plus sérieusement que vous ne le croyez sans doute, d’après des épreuves écrites, fixées d’avance, et qu’on n’y tient nullement compte des recommandations, quelles qu’elles soient, que nous ignorons même les noms des concurrents,… mais si votre candidat est aussi remarquable que vous le dites, je crois que vous n’avez rien à craindre, la moyenne du concours n’est pas très forte, et il aura beaucoup de chances d’être nommé.

La dame : Hélas ! c’est bien là ce que nous craignons. Songez donc, monsieur, qu’il s’agit ici d’un sujet hors ligne, d’un garçon qui a su apporter la vie dans une ville morte, qui fait honneur au régiment, et que nous serions toutes navrées de voir partir.