Page:Lavignac - Les Gaietés du Conservatoire.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

Moi : Comment, madame ? je ne comprends pas ; vous venez le recommander, et vous désirez qu’il ne réussisse pas ! car s’il réussit dans son concours, s’il obtient de l’avancement, il devra quitter votre régiment, vous le savez bien ?

La dame : Mais oui, monsieur, c’est ce qui me désole ; lui parti, remplacé par un chef vulgaire, la musique va redevenir ce qu’elle était autrefois ! Et ce n’est pas tout, il joue très bien du piano, et quand nous donnons des soirées, c’est lui qui nous accompagne, qui nous fait danser — quand il ne danse pas lui-même, car il est excellent danseur ! Lui parti, la vie ne sera plus tenable à Martignac !

Moi : Eh ! bien, madame, je ne puis pas plus m’engager à le faire échouer qu’à le faire réussir ; mais il y a un moyen très simple : il n’a qu’à ne pas se présenter au concours, rien ne l’y force ; donnez-lui ce conseil.

La dame : Lui, monsieur ! renoncer au concours ! vous ne le connaissez pas ; nous ne pourrons jamais obtenir cela ! Il ne songe qu’à sa carrière, il a de l’ambition…

Moi : Mais si cela venait du colonel ? Il pourrait peut-être lui dire qu’il désire le conserver… cela le flatterait…

La dame : Oh ! pour cela, c’est bien impossible, mon mari n’entend rien à la musique… il serait même furieux s’il savait ma démarche… Voyons, monsieur, je vous en prie, tâchez de trouver le moyen de nous conserver notre chef de musique ; ce n’est pas seulement en mon nom que je parle, je vous en supplie au nom de toutes ces dames du corps d’officiers, pour lesquelles comme pour moi son départ serait un vrai désespoir, etc… etc…


Le jour du concours venu, je pensai à regarder soigneusement le candidat : c’était dans toute l’acception du mot un joli