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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

lui fit de pompeuses funérailles qui ne durèrent pas moins de trois jours, pendant lesquels tout le Conservatoire fut en effervescence ; rien ne fut oublié, l’exposition du corps, les chants et les cérémonies du culte ; il paraît que c’était très drôle ; je n’oserais pas affirmer que c’était tout à fait convenable.

On voit par tout cela que, malgré les rigueurs directoriales, la vie n’était pas si intenable qu’on aurait pu le croire au Pensionnat ; Messieurs les pensionnaires savaient l’embellir et la mettre à leur goût.


Tous les gens qui ont connu Cherubini affirment qu’en dehors du service, c’était un homme très affable, très doux et même spirituel ; que sa maison était fort gaie, qu’il recevait beaucoup, et que ses filles, pour lesquelles il était plein de tendresse, étaient charmantes. Malgré cela, je n’ai jamais entendu citer de lui un mot vraiment aimable ; à moins que ce ne soit celui-ci :

Pour amuser ses filles, ayant organisé une petite sauterie intime, il fait dire au chef du Pensionnat de lui envoyer le pensionnaire Couderc. Enchanté et flatté de cette distinction, Couderc se met sur son trente-et-un, habit noir, cravate blanche immaculée, chemise à tout petits plis, bottines vernies sortant de chez le bottier, et arrive ainsi tout pimpant chez le Maître, bien exactement à l’heure dite.

— « Qué, qué, que que vous voulez ?

— Je suis M. Couderc, cher Maître…

— Qué qué c’est qué ça, zé connais pas ?

— Mais il y a donc erreur ? C’est M. Legendre[1] qui m’a dit que vous m’aviez fait l’honneur de m’inviter ?

— Qué, qué, que z’ai demandé le pensionnaire Couderc,

  1. M. Legendre était le chef du Pensionnat.