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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE

encore un peu drôle, quoique déjà pas très propre ; de ceux-là je peux vous donner un petit échantillon.

Le jeune Gustave X… (il me saura gré de ne le désigner que par son prénom) était un assez joli virtuose… disons pianiste, pour dissimuler encore. Son père, déjà âgé, ayant fait une longue et honorable carrière de musicien dans les plus grands orchestres de théâtre ou de concert, avait l’ambition, bien modeste, de recevoir les palmes académiques.

Il avait fait ou fait faire à ce sujet, j’ignore le détail, des démarches auprès du ministre alors au pouvoir, et dont il m’est impossible de retrouver le nom, tellement il y a eu de ministères en ces derniers temps. Toujours est-il qu’il était sur le point d’aboutir, grâce à certaines recommandations, et puis aussi parce qu’il le méritait bien, par ses bons, anciens et loyaux services.

Il ne lui manquait plus qu’une chose, c’était d’être rappelé à la mémoire du ministre au bon moment, à la veille d’une promotion, par exemple.

Voici qu’un beau soir, le jeune X…, que ses camarades avaient je ne sais pourquoi surnommé Pierrot, est appelé à faire de la musique dans un salon où était justement invité le ministre des Beaux-Arts.

Il obtient facilement du maître de la maison de lui être présenté, et s’empresse de plaider chaleureusement la cause de son père, faisant valoir les longs états de service de celui-ci, les sacrifices qu’il avait su s’imposer pour subvenir à l’éducation artistique de son fils… En terminant, cet excellent garçon demande au ministre la permission de lui remettre la carte de son père, dont il s’était muni, disait-il, dans l’espoir de lui être présenté, et afin d’éviter toute erreur de prénom.