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LES GAIETÉS DU CONSERVATOIRE



Nul ne peut prévoir au juste où le conduiront de fortes études musicales. Aussi, maintenant que je deviens vieux — ce qui n’a rien de désagréable, je vous en préviens, pour le cas où cela vous arriverait plus tard, — vois-je mes anciens élèves disséminés dans les carrières les plus variées : l’un d’eux, resté de mes meilleurs amis, est Sous-Intendant militaire (et ce n’est pas à celui-là que le talent musical a été le plus inutile dans les débuts de sa carrière d’officier) ; d’autres ont été ou sont encore pensionnaires ou sociétaires de la Comédie-Française ; trois ont obtenu le Grand Prix de Rome, ce qui était plus facile à prévoir ; beaucoup occupent des situations artistiques des plus enviables, l’un d’eux même est actuellement l’une des personnalités les plus en vue de l’école musicale française. Il y en a aussi qui ont permuté, et sont simplement avocats.

Mais… comme je vous l’ai déjà dit en commençant, rien n’est plus mélangé que notre société, et je compte également parmi mes élèves, sans m’en enorgueillir outre mesure, un faussaire, plusieurs déserteurs, un voleur au moins (il a volé chez moi), un incendiaire, actuellement au bagne, d’où il a eu le toupet de m’écrire pour me demander de signaler son aptitude à tenir l’orgue de je ne sais plus quelle chapelle pénitentiaire (lettre restée sans réponse), et beaucoup d’autres crapules dont il ne m’a pas été donné de suivre pas à pas la carrière, que j’ai perdus de vue, souvent avec le plus grand plaisir.

De ceux-là, je ne parlerai pas, cela me répugne même d’y penser ; mais il y a des demi-canailles dont l’histoire est