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AVANT-PROPOS


L’auteur ayant passé trois ans dans les régions arctiques et subarctiques, il a été subjugué par le magnétisme boréal et l’attrait irrésistible qui s’empare de l’âme de tout homme se lançant à l’assaut de ce grand sépulcre blanc qu’est le Nord.

Pour faire connaître au lecteur canadien cette partie ignorée de notre vaste Dominion, il a cru devoir lui en donner un aperçu sous forme de roman… une idylle naïve s’intercalant dans le texte et déroulant ses péripéties au pays du soleil de minuit et des glaces éternelles…

Faisant d’une pierre deux coups, il a voulu lui faire connaître l’âme naïve, honnête et droite de l’Esquimau, peuple intelligent, affable, hospitalier et hardi, habitant les régions montagneuses, pittoresques et tourmentées du Nord.


L’auteur.


CHAPITRE I

LE SOLEIL DE MINUIT


Par bandes les ours blancs seront expiatoires ;
L’écume aux dents, lascifs, ils bailleront d’ennui
Tandis qu’à l’horizon, au ras des promontoires
Brillera, globe d’or, le soleil de minuit.

René Chopin.


Minuit ! calme profond ! Silence ! silence éternel, grave, supra-terrestre ! Silence tellement silencieux qu’il vacille ! L’oreille saisit le bruissement des atomes, de la lumière ! Silence qui n’est pas sépulcral car il est illuminé, éclairé et vivifié par ce grandiose spectacle du soleil de minuit.

Minuit ! pas une étoile au firmament ! Minuit, et le roi du jour, dans sa course furibonde vers Alpha Centaure, nous traînant à sa suite, brille au fond d’un ciel indigo et lointain. À quelques degrés au-dessus de l’horizon s’étalent paresseusement quelques stratus, nimbés d’or, voguant vers les chaudes régions du sud, et se colorant d’un reflet pourpre. Une cascade de lumière douce, langoureuse, tombe de l’orbe céleste, traverse le détroit de Lancaster, y teinte ses eaux froides de carmin, de safran, d’onyx. Le miroitement des eaux à peine remuées fait apparaître une mer de pierreries sur cette mosaïque liquide. Les monts abrupts, de North Devon et du Nord de l’Île de Baffin, se revêtent de violet foncé, voile sombre, où, de distance en distance, s’allument, sur leurs sommets de larges éclaircies d’écarlate, véritables feux d’artifices allumés par les