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HISTOIRE DE LA MUSIQUE.

exemples notés complètent et affirment la théorie.

« La musique harmonique, dit Isidore de Séville dans ses Sentences, est une modulation de la voix ; c’est aussi une concordance de plusieurs sons et leur union simultanée. » C’est la première fois que dans l’histoire musicale nous entendons parler avec quelque précision de l’art de faire concorder les sons entre eux. Les termes mêmes de la définition semblent prouver que cette science n’était pas nouvelle au temps d’Isidore de Séville ; mais, faute d’être mieux renseignés, prenons toujours cette phrase pour point de départ. Du viie au xie siècles, on trouve des traces de la musique harmonique dans Aurélien, moine de Réomé (milieu du ixe), et dans Scott Érigène. C’est à la fin du ixe qu’un moine de Saint-Amand, nommé Hucbald, parle, sinon avec clarté, du moins longuement et en s’appuyant d’exemples, de la musique à deux ou plusieurs parties, qu’il appelle diaphonia ou organum.

S’il nous fallait écouter aujourd’hui la cacophonie singulière, décorée au ixe siècle du nom d’organum, ce serait un supplice difficile à supporter. Il est défendu dans la musique moderne, sauf de rares exceptions que le génie seul peut se permettre, de faire entendre simultanément, deux ou plusieurs fois de suite, des sons placés à distance de quatre ou de cinq notes l’un de l’autre ; il suffirait au lecteur d’essayer sur un piano pour juger de l’effet produit ; il aurait comme la sensation désagréable de deux mélodies chantées dans deux tons différents. Ce qui révolte aujourd’hui notre oreille était, au contraire, la règle dans la diaphonie, et cette association barbare de sons se rencontre, non point