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HISTOIRE DE LA MUSIQUE.

chanson de sa composition. En lisant quelques-uns des panégyriques écrits en l’honneur de Charlemagne par les historiens et les poètes que ce prince avait à sa solde, on s’aperçoit rapidement que le saint empereur n’était point tout à fait ennemi du profane.

Du reste, ces peuples barbares, qui changèrent la face du monde antique, avaient pour la musique un amour plus grand peut-être que celui des Grecs, plus qu’un amour, un culte. Cet amour des Germains, des Saxons, des Bretons et des Francs pour la musique n’avait pas échappé aux Romains. César le constate chez les Gaulois, Tacite chez les Germains. Dès les débuts du moyen âge, nous trouvons la musique constituée et pour ainsi dire réglementée ; les musiciens sont des sortes de prêtres en Grande-Bretagne ; en Armorique, ils portent le nom de bardes ; en Norvège et en Gothie (Danemark) celui de scaldes. Un lien mystérieux les unissait tous, comme dans un vaste sacerdoce.

La musique tenait une place d’honneur jusque dans les plus humbles maisons. « Que faut-il à un noble Gallois ? un coussin sur sa chaise, une femme vertueuse et une harpe bien accordée», disait naïvement la loi galloise. La musique était chez ces peuples un puissant moyen d’influence. On raconte qu’Aldhelm, évêque de Sherbournes, entrant dans l’église pour prononcer un sermon, ne trouva pas un fidèle. Sans se déconcerter, il prit une harpe, sortit du temple, s’établit sur le pont qui était près de l’église et chanta. Lorsqu’il eut réuni ainsi autour de lui une foule considérable, il commença son discours (fig. 32).