Page:Lazare - Contre l’antisémitisme.djvu/11

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affaire et Drumont doit savoir mieux que moi ce qu’il lui faut et quels sont les plaisirs, artistiques ou autres, qu’il sait goûter.

Mais je ne veux pas faire de critique littéraire, et ce que je dis là est pour constater une fois de plus l’art infini que met Drumont à ne jamais répondre.

Zola lui dit que l’antisémitisme est une conception barbare, médiocre, inférieure, il riposte en blâmant les gens du monde qui lisent Germinal — et oublient sans doute, pendant ce temps, de méditer sur la France juive. Il ne s’agit pas de cela, et le geste de la Mouquette n’a rien à voir avec la guerre aux Juifs. J’ai, quant à moi, souvent demandé à M. Drumont de s’expliquer sur certains points obscurs de sa doctrine. Je n’en ai jamais su tirer que des renseignements sur sa famille et sur ses débuts dans le journalisme, et encore ne m’a-t-il pas tout dit et il m’a laissé apprendre indirectement bien des choses.

Cependant aujourd’hui il a glissé dans son réquisitoire quelques phrases qui m’ont tout l’air d’un programme précis. Il faut donc les reproduire.

« Les antisémites, écrit-il, se sont proposé de délivrer les travailleurs écrasés par tous les monopoles juifs, exploités de toutes les façons par des entrepreneurs de ventes à crédit, dépouillés des quelques économies qu’ils ont pu parfois réaliser à grand’peine, par des flibustiers sans vergogne ». Est-ce tout ? Eh bien, vraiment, voilà qui n’est pas brillant, surtout pour un sociologue. Comment, Drumont, vous avez fait tant de livres, écrit tant d’articles — dont quelques-uns étaient bons — uniquement pour faire supprimer les établissements de vente à crédit juifs, les monopoleurs juifs et les exploiteurs juifs ? Et les monopoleurs, les exploiteurs, les entrepreneurs chrétiens qu’en ferez-vous ? Vous les supprimerez aussi ? Alors pourquoi êtes-vous seulement antisémite ? Vous les garderez ? Alors votre sociologie devient inférieure. Vous allez protester par quelques périodes ronflantes. Je vous connais, vous êtes capable, pour la circonstance, de sortir quelque citation de Voltaire