n’ai jamais nourri contre lui les noirs desseins que me prête M. Lazare, et M. Lazare serait bien en peine de me montrer la page où j’ai poussé à l’égorgement de ce petit Juif. »
Je passerai sur le doute qu’émet M. Édouard Drumont touchant à la situation économique de certains Juifs[1].
De deux choses l’une : ou il est mal renseigné et il n’en a pas le droit, puisqu’il s’occupe des Juifs, ou l’aveu de la misère des sept huitièmes des Juifs du monde gênerait ses polémiques et sa doctrine et il affecte d’ignorer cette misère. Venons au reste. Je n’ai pas écrit que M. Drumont excitait directement à l’égorgement des petits Juifs, mais j’aurais pu l’écrire et j’aurais eu raison, même en ne citant pas de lui une page où il ait poussé d’une façon formelle à cet égorgement. Lorsque son journal injurie tous ceux dont le nom est sémite, lorsque ses amis, qu’il approuve et félicite en les haranguant, crient « Mort aux Juifs ! », ils ne me paraissent pas s’adresser uniquement aux financiers cosmopolites. Est-ce contre les financiers cosmopolites qu’ils manifestaient, dimanche dernier, devant la porte de quelques commerçants juifs ? Est-ce contre ces financiers que se forment, soutenues par le clergé, ces ligues de Lyon, de Valenciennes et de Lille dont le mot d’ordre est : « N’achetez rien aux Juifs ! » Quand on prend comme devise : « Guerre aux Juifs », il devient de mauvaise foi de soutenir qu’on ne s’attaque qu’à une certaine catégorie d’entre eux, et qui est dans la vérité, vous, Drumont, qui affirmez ne pas vouloir de mal à ceux d’entre les Israélites qui n’appartiennent pas à la finance, ou moi qui soutiens qu’avec votre système on laisserait en paix les capitalistes chrétiens en se ruant sur tous les Juifs indistinctement, puisque le
- ↑ Si M. Drumont connaissait les questions dont il veut parler, il saurait que, s’il y a huit millions de Juifs dans le monde, les 7/8 sont ou des prolétaires, ou des pauvres.