dotes ? Sur ma famille ou sur mes débuts dans les lettres ? Comme a dit Drumont, je ne suis pas encore assez célèbre. Je le deviendrai peut-être ; mais, en attendant, je ne puis passer mon temps à parler des débuts de mes confrères. Cela n’a aucun attrait pour moi. Je ne sais pas dire les historiettes, et ce n’est pas la renommée d’un Tallemant que j’ambitionne. À chacun son œuvre. Les chroniqueurs de menus faits ne manqueront pas, je ne suis pas du nombre.
Ainsi, il faut que je cesse d’interpeller M. Drumont ; que d’autres continuent s’ils le veulent. Pour moi, la question antisémite ne peut se réduire à un dialogue avec le directeur du journal officiel de ce parti, encore moins à un monologue que je débiterais devant lui. M. Drumont n’est pas la cause de l’antisémitisme ; il n’en est même pas un facteur réel ; il en est un écho et peut-être un instrument. Quel peut être désormais mon but ? Il doit être de montrer les origines multiples de ce mouvement, d’en faire voir les moteurs cachés, d’exposer les intérêts qu’il sert, de faire comparaître les individualités ou les groupes dont il émane. Derrière le décor antisémite, derrière les théories pseudo-scientifiques de l’aryanisme et du sémitisme, il importe de trouver les causes réelles. Il faut exposer les vrais mobiles de la nouvelle croisade, celle qui était dirigée hier contre les Juifs seuls, qui est dirigée en même temps aujourd’hui contre les libres-penseurs, les francs-maçons et les protestants. Je ne m’adresserai plus, par conséquent, aux antisémites ; j’ai reconnu la vanité de cette tentative et la difficulté de causer avec des gens qui sont décidés à rester muets et à se dérober quand on les met au pied du mur. Je parlerai à ceux qui ont des oreilles pour entendre et, qui sait, je pourrai délier bien des langues.