« Que dirait M. Drumont, qui accuse le socialisme d’être un truquage juif, si nous lui répondions que l’antisémitisme est un truquage capitaliste destiné à sauvegarder l’ensemble de la classe banquière, industrielle et propriétaire par une petite opération sagement limitée. Le capital se laisserait circoncire de son prépuce juif pour opérer avec plus de garanties. » Ainsi écrivait Jaurès. Je ne puis analyser complètement son article, mais le passage que je cite est le plus important. Il formulait une fois de plus la question que je n’ai cessé de poser aux antisémites, celle que je leur poserai toujours. Savez-vous ou ne savez-vous pas que votre œuvre consiste uniquement à défendre une catégorie de capitalistes : les capitalistes catholiques ? Jamais je n’ai pu obtenir une réponse. Quand j’ai eu lu l’article de Jaurès, je me suis dit : sans doute Jaurès sera plus heureux. Il est député, il a une influence que je n’ai pas, une importance à laquelle je ne veux prétendre, Drumont se croira sans doute obligé de soigner un peu sa riposte. Je me suis trompé, et pour qu’on ne m’accuse pas de partialité, je vais exposer les arguments de l’apôtre antisémite.
Il se lave d’abord d’un reproche sanglant. Jaurès l’avait accusé de parler du socialisme de la même façon dont en parle Joseph Reinach, qui voit dans le mouvement français un reflet du mouvement allemand. Drumont ne peut accepter une semblable assimilation et il rectifie, il a dit simplement, chacun comprendra la différence, que d’ailleurs je n’ai pas saisie : « Le socialisme français se traîne à la remorque du marxisme ». Il corrige, il est vrai, ce jugement en disant à Jaurès que s’il a une action c’est qu’il est « à son insu, peut-être, le représentant de ce vieux socialisme français qui n’a rien de commun avec celui de Karl Marx ». Il le complète en insinuant que Jaurès n’a « probablement jamais compris » le système de Karl Marx « qui ne s’est peut-être jamais compris lui-même ».
Je voudrais — et ceci est tout à fait désintéressé de