senter. Pour moi, la personnalité de l’apôtre antisémite n’a pas l’importance qu’il s’attribue lui-même et que les autres lui accordent. Il disparaîtrait demain que l’antisémitisme ne disparaîtrait pas avec lui. Les multiples Croix, les nombreux journaux catholiques continueraient leur œuvre, œuvre qu’on n’a ni assez vue, ni assez appréciée, et ils exerceraient encore leur action, action plus puissante, plus sûre, plus efficace, plus étendue, plus sournoise, que l’action de la Libre Parole qui bataille plus franchement, comme doit batailler l’enfant terrible du parti catholique.
On ne saurait trop le dire, on ne saurait trop le répéter, l’histoire de l’antisémitisme en France, n’est qu’un coin de l’histoire du parti clérical. À cette affirmation on répondra que ceux qui attaquent les Juifs ne se placent pas sur le terrain confessionnel mais sur le terrain économique. Je n’en disconviens pas, je n’en maintiens pas moins mon affirmation et, pour l’expliquer, j’ajoute que le cléricalisme a su exploiter avec une habileté remarquable les intérêts économiques d’une catégorie d’individus.
Les causes de l’antisémitisme sont multiples. Évidemment, à la base, il faut mettre la raison permanente et séculaire, l’antique, l’indéracinable préjugé, la vieille haine plus ou moins avouée, contre la nation déicide, chassée de la terre des aïeux, poussée de l’orient à l’occident, du midi au septentrion, la nation qui, pendant des siècles, fut, comme au soir de la sortie d’Égypte, les reins ceints de la corde, la main armée du bâton, prête à fuir par les routes inhospitalières à la recherche d’un sol ami, d’un abri accueillant, d’une pierre où pouvoir poser sa tête. C’est là le mobile qui a supporté les autres, c’est là le sentiment constant qui a permis à d’autres sentiments de s’éveiller, de se développer, de grandir. Sur ce fonds stable qui existera tant qu’il y aura des Juifs, ou tout au moins tant qu’il y aura des chrétiens, on a bâti et, selon les siècles, selon les pays, selon les mœurs, on a bâti d’une façon différente, je veux dire qu’on a