justifié autrement la guerre aux Juifs. De même, selon les mœurs, selon les pays, selon les siècles, les causes efficientes de l’antisémitisme ont varié.
En France où, depuis 1789 jusqu’à ces dernières années, l’antisémitisme avait été sporadique, opinion scripturaire sans écho, sans contre-coup, sans action, il a fallu deux choses pour faire renaître les animosités d’autrefois. D’abord, et c’est là une raison grave et profonde, le triomphe de l’état laïque sur l’état chrétien. L’Église a rendu les Juifs et les hérétiques responsables de sa défaite, elle s’est retournée contre eux, et elle a commencé par attaquer Israël ; maintenant plus aguerrie, rendue audacieuse par l’inaction même de ses adversaires, elle ose plus et c’est contre le franc-maçon, contre le libre-penseur, contre le protestant qu’elle se dresse. La démocratie a laissé grandir l’antisémitisme sans protester contre lui. Au contraire, par dilettantisme, par snobisme, ou bien par lâcheté, elle a laissé faire. Demain, peut-être, elle comprendra le danger, elle verra le filet dont elle s’est laissée entourer. Il sera trop tard et c’est par des années de réaction cléricale qu’elle paiera son inertie et son aveuglement.
Venons maintenant à la cause occasionnelle de l’antisémitisme, celle qui a déterminé le choc. C’est le krach de l’Union générale. La défaite de l’Union générale a été la défaite du capital et de la spéculation catholique. On a rendu la finance juive responsable de ce résultat et la campagne antijuive a été inaugurée en guise de représailles. Le capital catholique s’est rué à l’assaut du capital israélite et l’histoire de cette période sera, pour l’historien futur, intéressante comme un épisode de la lutte entre capitalistes, et même de la lutte entre deux formes du capital.
L’antisémitisme s’est donc manifesté tout d’abord sous la forme d’une guerre contre la finance cosmopolite et, pendant longtemps, ses champions et ses théoriciens ont affecté de rester sur ce terrain. Ils prétendent, aujourd’hui encore, s’y tenir et feignent