d’être exclusivement les ennemis de l’agiotage et des manieurs d’argent.
Mais, je le répète, les théoriciens ne sont rien, ils ne représentent rien ; c’est à côté d’eux qu’il faut regarder, et, si l’on regarde, on verra que c’est par la plus grossière des équivoques qu’on présente l’antisémitisme comme un mouvement de réaction contre le règne de l’argent. En réalité, sous le couvert du Juif financier et agioteur, on attaque tous les Juifs. Jadis on leur reprochait d’être uniquement des usuriers. Aujourd’hui, on leur reproche de ne pas se confiner dans le rôle de prêteur, d’argentier, et on veut frapper sur eux parce qu’ils prétendent ne rester étrangers à rien et participer à toutes les manifestations de l’activité sociale.
Ce n’est pas seulement le Juif banquier que l’on condamne, c’est le Juif commerçant, c’est le Juif dans le barreau, dans la médecine, dans l’armée, dans l’art, dans les lettres, dans la science : c’est le Juif tout court, le Juif auquel on conteste ses droits d’homme et de citoyen, sans que cette contestation soulève dans ce pays de démocratie et de liberté — sauf de rares et honorables exceptions — la moindre protestation.
Hier, on spécifiait avec affectation que, sous le nom de Juif, on désignait le loup-cervier de la Bourse, le financier louche, le courtier marron, celui qui vivait de l’agio et de la prédation, sans distinction d’origine et de culte. Il s’en trouvait qui s’excusaient presque de se servir du mot juif, mot, disait-on, consacré par l’usage et dont les Israélites honnêtes auraient eu tort de se montrer froissés. Maintenant, l’heure est passée de la dissimulation ; on ne fait plus de différence, on n’établit plus de catégories. Pourquoi se cacherait-on ? Les Juifs, fidèles à d’antiques traditions d’humilité, et par pusillanimité atavique, ne se défendent pas. Ils eussent dû se lever, se grouper, ne pas permettre qu’on discutât une minute leur droit absolu de vivre, en gardant leur personnalité, dans les pays dont ils sont citoyens. Ils ne l’ont pas fait. Ils ont