parades obscènes et burlesques, telle fut l’origine des
théâtres grec et romain, comme celle du Théâtre
Français. Les arènes, les cirques, les amphithéâtres,
dont nous possédons encore de précieux débris, nous
indiquent que les Romains établirent, surtout dans le
midi de la Gaule, les jeux et les spectacles en usage à
Rome. Les emplacements réservés pour les luttes de gladiateurs,
les jeux et les combats de bêtes féroces, étaient
élevés en général par les soldats des légions. Ces jeux
disparurent à peu près à la chute de l’empire romain ;
cependant à l’est de la montagne Sainte-Geneviève,
dans l’emplacement limité aujourd’hui par les rues
Saint-Victor, Neuve-Saint-Étienne et des Boulangers,
existait un terrain nommé clos des Arènes. Chilpéric
le fit réparer en 577, et Saint-Foix rapporte que Pépin
s’y rendait pour voir combattre des taureaux contre
des ours. Plus tard des bouffons, des farceurs, des
bateleurs, connus sous le nom général d’histrions, formèrent
en France une espèce de corporation assez
dangereuse par les obscénités qu’elle débitait, pour
qu’on dût s’occuper de la détruire. Dans un capitulaire
de l’an 789, Charlemagne met les histrions au nombre
des personnes infâmes dont le témoignage n’est pas
admis en justice. Les conciles de Mayence, de Tours,
de Reims et de Châlons-sur-Saône, qui furent tenus
en 813, défendirent aux évêques, ainsi qu’aux simples
prêtres, d’assister à ces spectacles sous peine de suspension.
Une ordonnance de Charlemagne de la même
année autorisa cette disposition. Il est dit : « que pour
se conserver l’âme pure de tous vices, il faut éviter
de voir et d’entendre les insolences des jeux sales et
honteux des histrions (histrionum turpium et obcænorum
insolentias jocorum). » Le mépris public
fut encore plus funeste pour les histrions dont le
nombre diminua insensiblement. On les vit reparaître
au milieu du XIIe siècle, mais avec une meilleure
réputation. Les uns portaient le nom de trouvères ou
troubadours, les autres étaient appelés conteours ou
conteurs, plusieurs étaient connus sous la dénomination
de jongleours ou jongleurs. Presque tous étaient
nés en Provence, sous ce beau ciel dont le spectacle
est un poème et la langue une musique. Les trouvères
ou troubadours composaient des vers dont les sujets
étaient tirés de l’histoire des grands hommes. Ils
nommaient ces productions leurs gestes, du latin gesta ;
parfois ils y mêlaient quelques traits satiriques dirigés
contre les vices du siècle ; souvent aussi leurs compositions
respiraient l’éloge de la vertu. Quelques uns
récitaient des histoires fabuleuses en forme de dialogues
entre amants et maîtresses, qu’ils nommaient tensons.
Les conteours ou conteurs inventaient des historiettes
en prose, que Boccace a depuis imitées. Les jongleours
ou jongleurs jouaient de plusieurs instruments. Pour
se rendre plus agréables, souvent ils réunissaient leurs
talents qui servaient à divertir les princes et les grands
seigneurs qui les récompensaient avec libéralité. Peu à
peu les plus habiles d’entre les troubadours disparurent
et furent remplacés par de moins capables. Tous ceux
de cette profession se séparèrent, puis formèrent deux
différentes espèces d’acteurs : les uns, sous l’ancien nom
de jongleurs, joignirent aux instruments le chant ou
le récit des vers ; les autres prirent simplement la dénomination
de joueurs (joculatores). C’est ainsi qu’ils
sont appelés dans les anciennes ordonnances. Les jeux
de ces derniers consistaient en tours de force et d’adresse,
qu’ils exécutaient eux-mêmes ou qu’ils faisaient
faire par des singes. Les uns et les autres tombèrent
dans un tel mépris, que leur profession donna naissance
à cette épithète : lorsqu’on voulait parler d’une chose
mal faite, mauvaise ou ridicule on disait : c’est une jonglerie.
Philippe-Auguste n’imita point l’exemple de
ses riches vassaux, qui accueillaient ces acteurs avec
munificence. « Donner aux histrions, disait-il, c’est
faire sacrifice au diable. » Saint Louis montra la même
répugnance pour ces amusements profanes.
Cependant, malgré les excommunications des évêques et les ordonnances sévères des prévôts de Paris, les jongleurs se multiplièrent dans la capitale et se réunirent en confrérie en 1331. Dans une ordonnance du prévôt de Paris du 14 septembre 1395, il leur fut défendu de rien dire, représenter ou chanter qui pût causer quelque scandale, à peine de deux mois de prison, au pain et à l’eau. Ces jeux furent plus tard perfectionnés, et une troupe d’acteurs s’établit en 1398 à Saint-Maur-des-Fossés. Le prévôt de Paris voulut s’opposer à cette innovation et rendit le 3 juin de la même année une ordonnance portant défense à tous les habitants de Paris de représenter aucuns jeux de personnages, soit de vies de saints ou autrement, sans le congié du roy, à peine d’encourir son indignation et de forfaire envers lui. Ces acteurs s’adressèrent au roi, et pour se le rendre favorable, proposèrent d’ériger leur troupe en confrérie. Le roi approuva leur dessein et autorisa leur établissement par des lettres-patentes, dont nous citons un extrait : — « Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, etc… Nous avons reçu l’humble supplication de nos bienamez les maistres, gouverneurs et confrères de la confrairie de la Passion et Résurrection de notre Seigneur, fondée en l’église de la Trinité à Paris, contenant que comme pour le fait d’aucuns mystères de saints, de saintes, et mêmement du mystère de la Passion, qu’ils ont commencé dernièrement et sont près de faire encore devant nous, comme autrefois avoient fait, et lesquels ils n’ont pu bonnement continuer parce que nous n’y avons pu être lors présents, et pour quel fait et mystère la dite confrairie a moult frayé et dépensé du sien, et aussi ont fait les confrères chacun d’eux proportionnellement ; disans en outre que s’ils jouoient publiquement et en commun, que ce seroit le proufit de la dite confrairie ; ce que faire ils ne pouvoient bonnement sans notre congié et licence, requérons sur ce notre gracieuse provision. Nous qui voulons et désirons le bien, proufit et utilité de la dite confrairie et les droits et revenus d’icelle estre par