Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


martyr, et de la sainte croix, était soutenu par des colonnes de marbre ; les murailles étaient ornées de peintures à fond d’or, et le pavé formé de pièces de marquetterie. L’extérieur de l’église répondait à la magnificence de l’intérieur. L’édifice couvert de cuivre doré jetait un si vif éclat qu’on le nomma plus tard Saint-Germain-le-Doré.

Cette abbaye fut dédiée par saint Germain le jour même de la mort de Childebert, 23 décembre 558. Dès le 6 du même mois, ce prince avait donné sa charte de fondation. Cet acte consiste principalement dans la donation du fief d’Issy avec ses appartenances et dépendances, du droit de pêche sur la rivière, depuis les ponts de Paris jusqu’au ruisseau de Sèvres, d’un chemin de dix-huit pieds de large des deux côtés du fleuve, et d’une chapelle de Saint-Andéol que remplaça depuis l’église de Saint-André-des-Arts.

Saint Germain fit bâtir au midi de l’édifice consacré à saint Vincent un oratoire sous l’invocation de saint Symphorien, et le monastère fut d’abord occupé par des religieux qui suivaient la règle de saint Basile, de cet homme qui, au moyen d’une haire et d’un sac, était parvenu à rassembler sous ses lois plusieurs milliers de disciples.

Le corps de saint Germain fut inhumé dans la chapelle de saint Symphorien. Bientôt Dieu couvrit la tombe du pieux évêque de miracles éclatants, en proportion des vertus du saint homme ici bas, et la dévotion du peuple fit donner le nom de Saint-Germain au monastère et à l’église conjointement avec celui de Saint-Vincent. Dans plusieurs actes des VIIe et VIIIe siècles, on nomme cette abbaye la basilique de Saint-Germain et de Saint-Vincent. Le 25 juillet 754, en présence de Pépin et de ses deux fils, Carloman et Charles, le corps de saint Germain, qu’on avait exhumé de la chapelle saint Symphorien, fut déposé dans la grande église au rond-point du sanctuaire.

Cette abbaye éprouva la fureur des Normands. En 845 et 858, ils pillèrent ce monastère, et y mirent le feu en 861. Huit ans après il fut réparé par les soins de l’abbé Gozlin ; mais en 885 les Normands ravagèrent encore les environs de Paris et ruinèrent l’abbaye de fond en comble. L’église et le monastère ne furent rebâtis que vers l’an 1000, par l’abbé Morard aidé des libéralités du roi Robert. Le pape Alexandre III fit la dédicace de la nouvelle église le 21 avril 1163. L’abbé Eudes fit bâtir un nouveau cloître vers 1227. Le réfectoire et les murs de l’abbaye furent construits par Simon en 1237. Hugues d’Issy, qui le remplaça, fit bâtir la chapelle de la Vierge, qui était située à côté de l’église.

Après la construction de l’enceinte de Paris sous Philippe-Auguste, l’évêque prétendit à la juridiction spirituelle sur le territoire de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, qui était renfermé dans la ville. L’abbé de Saint-Germain s’adressa au pape Innocent III pour conserver ses droits. Mais avant la décision du souverain pontife, il accepta pour arbitres Geoffroy, évêque de Meaux, Michel, doyen de Saint-Marcel et frère Guérin. L’évêque Pierre Hugues, doyen, tout le chapitre de Notre-Dame, Guillaume, archiprêtre de Saint-Séverin, Raoul, curé de la chapelle Saint-Sulpice, l’abbé et les religieux de Sainte-Geneviève, promirent tous, sous peine de payer deux cents marcs d’argent, de s’en rapporter à la décision qui serait rendue. La sentence arbitrale, dont les détails précieux peuvent indiquer la topographie de Paris à cette époque, exempta de toute juridiction épiscopale le territoire contenu depuis la tournelle de Philippe Hamelin (aujourd’hui le palais de l’Institut) jusqu’à la borne séparant vers Grenelle la terre de Saint-Germain d’avec celle de Sainte-Geneviève, et depuis cette borne jusqu’à une autre, formant la limite des deux mêmes terres près du chemin d’Issy, enfin à partir de cette limite jusqu’à la quatrième, placée par les arbitres contre les murs vers Saint-Étienne-des-Grés.

La sentence décida en même temps que les terres enclavées dans l’enceinte seraient soumises à perpétuité à la juridiction de l’évêque.

Les abbés de Saint-Germain durent se repentir plus tard d’avoir accepté cet arbitrage. Au mois de juin 1211 ces religieux reçurent la réponse du pape, qui adjugeait à l’abbé la juridiction spirituelle sur tout le territoire de Laas, mêmes sur celui qui faisait partie de la ville.

La différence des juridictions donnait quelquefois naissance à de vifs débats. Les anciens registres du parlement attestent un fait étrange. Deux faux-monnayeurs, arrêtés à Villeneuve-Saint-Georges au mois de mai 1256, furent pendus dans la justice de Saint-Germain-des-Prés, puis pendus de nouveau dans celle du roi. Une nouvelle décision fut prise à cet égard lors de l’assemblée du parlement tenu à Melun par Saint-Louis en septembre 1257. Le droit alors mieux éclairci, les deux faux-monnayeurs subirent une troisième exécution.

Les abbés de Saint-Germain-des-Prés jouissaient de plusieurs autres privilèges. Il en est un qui mérite d’être rapporté en raison de sa bizarrerie. Les maréchaux de France en raison de l’estuage du port de Milly, recevaient de l’abbé et des religieux, le 28 mai, jour de la fête de Saint-Germain, douze pains, douze setiers de vin et douze sols parisis. De leur côté, les maréchaux de France étaient tenus de marcher devant l’abbé, un bâton blanc à la main, pendant la procession et la messe. Cet usage fut en vigueur jusqu’à la fin du XVe siècle.

Un autre droit que possédait l’abbé de Saint-Germain-des-Prés était celui qu’il avait sur les habitants de Chaillot, qui étaient tenus de lui donner tous les ans, le jour de l’Ascension, deux grands bouquets et six autres petits, un fromage gras fait avec le lait des vaches qu’ils menaient paître dans l’île Maquerelle (des Cygnes), en