Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/256

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deçà de la rivière de Seine et un denier parisis pour chaque vache.

Une querelle violente s’éleva en 1278 entre l’Université et l’abbaye de Saint-Germain. Les maîtres et les écoliers de l’Université avaient coutume d’aller prendre leurs divertissements hors de la ville, dans un pré nommé, par cette raison, le Pré-aux-Clercs. Le chemin qu’ils traversaient appartenait à l’abbaye de Saint-Germain. Gérard de Moret, alors abbé, fit élever plusieurs maisons qui rétrécirent ce passage. Les écoliers adressèrent de vives réclamations à l’abbé, qui, se trouvant dans son droit, fit continuer les constructions. Le vendredi 12 mai, les clercs arrivent en bandes nombreuses, et tous, mettant la main à l’œuvre, démolissent en peu d’heures les bâtiments. Aussitôt Gérard de Moret fait sonner le tocsin et s’apprête à se défendre. Les vassaux de l’abbaye accourent, se rangent en bataille et fondent sur les écoliers. Plus de soixante étudiants furent tués ; on en saisit plusieurs qu’on jeta en prison. Gérard de Dôle, bachelier ès-arts, fut blessé mortellement. Jourdain, fils de Pierre le scelleur, périt sous le bâton, et Adam de Pontoise, frappé d’une masse de fer, perdit un œil.

Le lendemain de cette lutte meurtrière, l’Université présenta une plainte au cardinal de Sainte-Cécile, légat du pape, pour avoir raison de l’outrage. L’Université disait en terminant, que si dans la quinzaine justice n’était pas rendue, elle ferait suspendre tous ses exercices : seul remède que de pauvres étrangers et sans armes tels qu’ils étaient, pussent opposer à ceux du pays.

Le légat, effrayé de ces menaces, condamna Étienne de Pontoise, prévôt de l’abbaye, comme coupable d’homicide, à être chassé de l’abbaye Saint-Germain. Philippe-le-Bel fit également examiner cette affaire en son conseil. Le roi présent au jugement prononça lui-même la sentence. Les religieux furent condamnés fonder deux chapellenies de 20 livres parisis de rente chacune, à payer 200 livres pour les réparations de la chapelle Saint-Martin, 200 livres à Pierre le scelleur pour le dédommager de la perte de son fils ; 400 livres aux parents de Gérard de Dôle, et 200 au recteur de l’Université pour être distribués au régent et aux pauvres écoliers. Dix des plus coupables d’entre les vassaux de l’abbaye furent chassés du royaume. Les tourelles bâties sur la porte de l’abbaye du côté du pré furent rasées jusqu’à la hauteur des murailles, et le chemin pour lequel on s’était battu fut abandonné à l’Université. — Il ne se passa aucun fait important à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés jusqu’au règne de Louis XII.

Le cardinal d’Amboise, légat du pape, après avoir réformé les Jacobins et les Cordeliers établis à Paris, voulut également renouveler la discipline des couvents des Bénédictins. Il confia cette mission à deux religieux de Cluny, qui s’occupèrent d’abord de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. La nouvelle réforme se maintint seulement pendant quelques années. En 1507, Guillaume Briçonnet, évêque de Lodève, introduisait à Saint-Germain-des-Prés la règle de Chézal-Benoit.

La nouvelle discipline était d’une grande sévérité. Elle prescrivait, outre l’abstinence de la viande, une solitude complète et une vie uniquement occupée des exercices de piété.

La construction du palais abbatial date de 1685. Elle fut commencée par les ordres du cardinal de Bourbon, abbé de cette communauté. Dès 1630, la réforme de Chézal-Benoit avait été remplacée par la congrégation de Saint-Maur, autorisée par Grégoire XV. Parmi les hommes recommandables qu’elle a produits, brillent au premier rang Mabillon, Montfaucon, Félibien, Clément et Lobineau.

L’abbaye Saint-Germain-des-Prés fut supprimée en 1790 ; ses bâtiments devinrent propriétés de l’état. Sur leur emplacement ont été construites les rues de l’Abbaye et Saint-Germain-des-Prés.

Une partie du palais abbatial subsiste encore dans la première de ces voies publiques. La demeure des princes-abbés est aujourd’hui descendue au rang d’une maison bourgeoise, en dépit de sa façade qui proteste contre cet abaissement.

Il nous reste maintenant à parler de l’architecture de l’église Saint-Germain-des-Prés. La tour de la façade est, de l’avis de tous les archéologues, un débris précieux de l’édifice élevé par Childebert. Il est malheureux que cette tour ait été taillée en carré lisse, cette restauration lui a fait perdre son caractère d’antiquité. Les piliers de la nef paraissent appartenir à la même époque. La seconde église bâtie en forme de croix est du XIe siècle. Elle avait autrefois trois clochers, un au-dessus du portail, et les deux autres au-dessus de chacun des côtés de la croisée ; ces deux derniers ont été abattus en 1821. La croisée est éclairée aux extrémités par deux grands vitraux qui en occupent toute la largeur. Le chœur placé dans le rond-point est entouré de huit chapelles qui furent dédiées par Hubold d’Hostie en 1163.

Le portail ouvert dans la tour était orné de huit figures qui ont été détruites pendant la révolution. Parmi ces statues, six représentaient des personnages de l’Ancien-Testament, et les deux figures les plus éloignées de la porte étaient celles de Clotaire Ier et de Clodomir.

Au fond du porche et au-dessus de-la porte de l’église on voit un bas-relief d’un style fort ancien représentant la Cène. Ce morceau de sculpture est aujourd’hui dans un triste état de dégradation.

Le caractère de l’architecture intérieure est tout-à-fait roman, à l’exception de quelques parties construites au commencement du XIIe siècle, et qui se rapprochent davantage du style gothique.

Des réparations importantes ont été faites à cette église au commencement du XVIIe siècle. On ouvrit alors les deux bas-côtés, on substitua la voûte au lambris doré qui en tenait lieu ; et dans chacune des nefs