Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/259

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prit alors le nom de Saint-Germain-le-Rond. Cette basilique était la première église canoniale et paroissiale qui dût son origine à la cathédrale, et cette dépendance absolue de l’Église-Mère semble fournir une dernière preuve aux savants, qui pensent qu’elle avait pour titulaire le saint évêque qui l’avait gouvernée et non celui d’Auxerre.

Les églises de Paris éprouvèrent en général les funestes effets des pilleries, saccagemens et brisemens que les peuples Normands excitèrent en notre terre françoise, ainsi que s’expriment les vieux chroniqueurs ; mais celles de Sainte-Geneviève, de Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Germain-le-Rond furent les plus maltraitées. Pour la première fois les Normands se montrèrent sur les côtes de France vers l’an 800 et aux embouchures de la Seine en 820 ; à partir de cette époque jusqu’en 890 les environs de Paris furent ravagés par ces peuples. Peu s’en fallut qu’ils ne se rendissent entièrement maîtres de la capitale sous le règne de Charles-le-Gros. Ils y abordèrent avec une armée de trente à quarante mille hommes, commandés par quatre de leurs rois ou généraux. Ils comptaient sept cents barques, avec un nombre immense de bateaux ; tout cet armement couvrait deux lieues du fleuve. Ils établirent leur camp dans le faubourg du côté de Saint-Germain-le-Rond, entourèrent le cloître d’un fossé dont une rue a depuis conservé le nom. Ils firent de ce point le centre de leurs opérations, contre les tours qui défendaient l’approche des deux ponts au moyen desquels on communiquait avec la ville. Les Parisiens, dans cette lutte acharnée, se signalèrent par des prodiges de valeur. La conduite de l’abbé Gozlin et du comte de Paris, Eudes, fut admirable. Le premier exhortait, encourageait, priait Dieu, invoquait les saints patrons de la ville sur la brèche et au milieu des périls ; le second, présent partout, observait, dirigeait, combattait avec intrépidité.

Les Normands, protégés par le jeu simultané d’énormes béliers, tentèrent huit assauts successifs, et furent huit fois repoussés par le valeureux comte de Paris. Découragés par tant d’héroïsme, les Normands levèrent le siège en novembre 886.

Les barbares, en se retirant, ruinèrent de fond en comble l’église de Saint-Germain-le-Rond. Helgand, moine de Fleury, nous apprend que sa reconstruction fut ordonnée par le roi Robert.

Par un hasard presque miraculeux, le tombeau de saint Landry, qui avait été inhumé dans cette église en 657, fut retrouvé intact sous un amas de décombres. L’évêque Maurice de Sully fit mettre en 1171 les reliques du saint dans une châsse de bois doré.

Ces honneurs étaient bien dus au digne prélat parisien qui, lors de la famine de 651, vendit tout ce qu’il possédait, jusqu’à ses meubles, pour en consacrer le produit au soulagement des pauvres de son diocèse, et fonda pour eux l’hôpital qui prit le nom d’Hôtel-Dieu.

À partir de l’époque de la reconstruction de l’édifice par le roi Robert, on trouve des actes qui désignent cette église sous le nom de Saint-Germain-l’Auxerrois, celui de Saint-Germain-le-Rond ne pouvait plus convenir à la forme nouvelle de l’édifice.

Saint-Germain-l’Auxerrois est, après la cathédrale, la seule parmi les anciennes églises séculières qui ait possédé une école.

L’histoire nous apprend que cette école florissait du temps de Charlemagne. Le nom de cet établissement est resté à une section du territoire capitulaire de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui comprenait presque tout le côté occidental de la ville jusqu’au grand Châtelet.

Le portail, élevé par le roi Robert, fut reconstruit sous le règne de Philippe-le-Bel. Le vestibule ou porche qui précède ce portail est du temps de Charles VII. Cette façade de l’édifice n’a jamais été terminée, et il est facile de voir sur l’élévation que toutes les parties supérieures y manquent entièrement. Tel qu’il est, cet avant-portique bâti en 1429 par Jean Gaurel, maçon, tailleur de pierres, pour la somme de 960 livres, est une œuvre des plus remarquables.

En regardant l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, on s’aperçoit aisément que son architecture est le produit de trois époques différentes. Il est à regretter qu’on n’ait pas cherché, sous Philippe-le-Bel et Charles VII, à rattacher les constructions partielles au style primitif de l’édifice entièrement rebâti par le roi Robert. Mais si toutes les idées profondément religieuses du premier artiste ne nous sont pas révélées d’une manière bien complète, cependant il est facile d’y reconnaître encore la pensée-mère du symbole chrétien.

Vers le milieu du moyen-âge, lorsque l’architecture dite gothique ou ogivale vint modifier le style lombard, ce symbole reçut de nouveaux développements. L’arc aigu si multiplié, les colonnettes isolées ou en groupes et s’unissant aux piliers, les lignes pyramidales, les flèches aériennes caressant le ciel, les clochers coniques, quadrangulaires, terminés en aiguille, tous ces signes de pierres représentent le sacrifice, les vœux, les prières, qui montent, qui s’élancent vers le créateur. Ces figures bizarres, ces animaux, ces satyres sculptés autour des portes de nos vieilles cathédrales, et qui contrastent avec les statues d’anges et de saints, ont également leur signification symbolique. C’est l’opposition des bons et des mauvais, c’est l’antagonisme qui existe entre le bien et le mal, la vertu et le vice.

De tristes souvenirs se rattachent au monument dont nous esquissons l’histoire. On sait que ce fut la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois qui donna le 24 août 1572 le signal du massacre de la Saint-Barthélemy.

Sous le règne de Louis XIII, la première scène d’un drame lugubre fut jouée dans cette église.

Le 24 avril 1617, à neuf heures du soir, deux hommes portant un fardeau entraient furtivement dans Saint-Germain-l’Auxerrois. Arrivés près des orgues, ils s’arrêtèrent. Une fosse avait été creusée en cet en-