Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/483

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cédé par l’État à la maison de Charenton, en vertu des décrets des 1er jour complémentaire de l’an XIII, et 9 septembre 1807, pour remplacer au profit de l’administration des hospices, ceux de ses biens qui avaient été aliénés pendant la révolution. Suivant acte administratif passé à la préfecture de la Seine, le 1er juillet 1819, en exécution, d’une ordonnance royale du 19 mai précédent, le sieur Jean-Laurent Falaise consentit la résiliation et la rétrocession du bail emphytéotique. Les renseignements suivants complètent la partie administrative consacrée à cet édifice.

« Paris, le 15 novembre 1837. — Louis-Philippe, etc… : Article 1er. Le directeur de la maison royale de Charenton est autorisé à vendre à la ville de Paris le palais des Thermes de Julien appartenant à cet hospice, moyennant une rente de 2 340 francs en 3 p.% sur l’État, et le paiement des frais de la vente. »

« Paris, le 27 avril 1844. Louis-Philippe, etc… : Vu la délibération du conseil municipal de la ville de Paris, en date du 27 janvier 1843. Vu la loi du 27 juillet 1843… qui ouvre un crédit pour l’acquisition de l’hôtel de Cluny et de la collection Du Sommerard, dans le but de fonder un Musée d’Antiquités Nationales, etc. — Article 1er. La ville de Paris est autorisée à céder gratuitement à l’État l’ancien palais des Thermes de Julien, contigu à l’hôtel de Cluny et destiné à l’établissement du Musée, aux clauses et conditions indiquées dans la délibération du conseil municipal sus-énoncée, etc. »

Hôtel de Cluny.

Vers le milieu du XIVe siècle, un abbé de l’ordre célèbre de Cluny, Pierre de Chaslus, fit l’acquisition d’une partie de l’ancien palais des Thermes et bâtit sur cet emplacement le premier hôtel de Cluny. Cette demeure était habitée par les abbés de cet ordre, lorsque leurs affaires les attiraient à Paris. Jean de Bourbon voulut entreprendre plus tard la reconstruction de cet hôtel ; la mort l’empêcha d’accomplir son dessein. En 1505, Jacques d’Amboise, l’un des neuf frères du vertueux ministre de Louis XII, mit ce projet à exécution. — Ce monument résume en lui trois âges d’architecture ; romain par la base élevé et décoré en partie par les dernières inspirations de l’art gothique, il a été terminé sous la gracieuse influence du style de la renaissance. L’édifice tout entier repose sur des fondements pétris de ce ciment qui a survécu au peuple-roi ; c’est sur ce rocher que l’artiste catholique a brodé et découpé tant de capricieuses fantaisies. Tous ceux qu’impressionnent les élégances de l’art architectonique admirent les bandeaux, les dentelures des fenêtres, la tourelle hardie et coquette avec son hélice de pierre.

La chapelle surtout est d’un style admirable quoique dépouillée de ses riches vitraux et des douze statues de saints qui remplissaient les niches de son pourtour si élégamment historié. Les armes de Jacques d’Amboise et les attributs de son patron indiqués par des coquilles et des bourdons de pèlerins, sont encore empreints sur les murs de ce charmant édifice qu’on ne saurait louer d’une manière plus exacte et plus poétique qu’en disant comme madame de Staël : c’est la prière fixée.

Dans une chambre qui existe encore, François Ier surprit Marie, veuve de Louis XII, en tête à tête avec le duc de Suffolck, et fit légitimer immédiatement leurs amours clandestins par un cardinal qu’il avait eu la précaution d’amener. — Sous le règne de Henri III, des comédiens s’établirent à l’hôtel de Cluny. Ils formaient une troupe récemment arrivée d’Italie. Leurs représentations attirèrent une telle affluence que les quatre meilleurs prédicateurs de Paris, dit l’Estoile, n’en avoient tous ensemble autant quand ils préchoient. Un arrêt du parlement, à la date du 6 octobre 1584, suspendit ces représentations. Les nonces du pape habitèrent ensuite l’hôtel de Cluny. Cette demeure leur était très commode en raison de la proximité de la Sorbonne où se tenaient les assemblées de la faculté de théologie.

Les religieuses de Port-Royal, ces pieuses femmes qui eurent l’honneur d’avoir Racine pour historien, habitaient l’hôtel de Cluny en 1625 ; elles restèrent en cet endroit jusqu’à l’achèvement de la maison qu’on leur bâtissait dans la rue de la Bourbe.

La tourelle servit aux observations astronomiques de Delisle, de Lalande et de Meslier que Louis XV nommait le Furet des Comètes. Néanmoins l’hôtel de Cluny fut toujours possédé par les abbés de cet ordre.

En 1790, ce charmant édifice devint propriété nationale. L’État, peu soucieux alors de la conservation de nos monuments historiques, vendit l’hôtel de Cluny le 23 pluviôse an VIII, avec la clause suivante : « En cas de nouvelles constructions des faces sur la rue, ou si le gouvernement ordonnait le redressement de la dite rue, l’adjudicataire sera tenu de se conformer aux alignements qui en seront donnés, et de fournir sans indemnité le terrain nécessaire pour cet effet. » — Le gouvernement actuel, en rachetant cet édifice, l’a préservé sans aucun doute d’une ruine prochaine.

Les appartements du premier et du second étages ont été successivement occupés par les grands établissements typographiques de MM. Moutard, Vincent Fusch, Leprieur. Ainsi la politique, la religion, l’art dramatique, les sciences, l’imprimerie revendiquent une part dans les annales de l’hôtel de Cluny.

De tous les habitants de ce manoir vénérable, feu Du Sommerard est celui qui a fait le plus pour en assurer la conservation, en indiquant le parti que la science en pouvait tirer. Conseiller-maître à la cour des comptes, il employa durant trente années tous les loisirs que lui laissaient ses fonctions à recueillir des objet d’art. Après la mort de ce savant et laborieux archéologue, le gouvernement s’empressa d’acheter cette précieuse collection qui fut rendue publique le 17 mai 1844.

Indépendamment de la chapelle, ce musée occupe huit ou dix salles du rez-de-chaussée et du premier