Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/484

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étage de l’hôtel de Cluny. On y entre par cette merveilleuse porte qui donne sur la rue des Mathurins. Il faudrait un volume, un gros in-folio pour énumérer les richesses que renferme cet établissement. — Nous parlerons d’abord des étriers que portait François Ier à la bataille de Pavie. Conservés comme un trophée par le comte de Lannoy, qui fit prisonnier le roi de France, ils ont été achetés à sa famille par M. Du Sommerard. Ils sont en cuivre doré, maintenus par des barres d’acier, et représentent sur la face les lettres F Rex et sur les tranches la couronne de France, avec les salamandres des Valois. Au bas dans un lambrequin, on lit cette devise : Nutrisco et extinguo.

Nous recommandons aux disciples de Philidor l’échiquier du roi saint Louis dont les cases et les pièces sont en cristal de roche et montées en argent doré. La bordure d’encadrement est creuse et renferme des figurines en bois sculpté représentant des tournois. Cet échiquier précieux a été apporté aux Tuileries sous la Restauration ; et Louis XVIII en fit don à son valet-de chambre le baron de Ville-d’Avray, qui le vendit 1 200 fr. à M. Du Sommerard.

On admire aussi dans ce musée les belles faïences de Flandre et d’Italie, et plusieurs magnifiques plats ronds représentant des sujets mythologiques, ou peuplés en relief d’écrevisses, de coquillages, de poissons et d’herbes marines. Ces poteries sont de Bernard Palizzi, de ce grand artiste dont le génie persévérant lutta contre la matière rebelle jusqu’au jour où, pour sa dernière expérience, il fut réduit à chauffer son four avec son dernier meuble.

Le gouvernement recueillera bientôt le fruit de son patriotique sacrifice. L’on adoptera sans doute les plans de M. Albert Lenoir, couronnés par l’Institut en 1833. Une galerie intermédiaire unira les Thermes à l’hôtel de Cluny. Alors ces deux édifices seront débarrassés des vieilles maisons qui leur disputent l’air et le soleil, et la collection Du Sommerard, convenablement classée, augmentée par de nouvelles acquisitions, deviendra le plus beau musée archéologique de l’Europe.

Musique (académie royale de).

Située rue Le Peletier. — 2e arrondissement, quartier de la Chaussée-d’Antin.

Au commencement du XVIe siècle, deux Florentins, Ottavio Rinucci, poète, et Giacomo Corsi, gentilhomme et très bon musicien, firent représenter avec un immense succès, sur le théâtre de la cour du grand duc de Toscane, une pièce lyrique à grand spectacle, intitulée les Amours d’Apollon et de Circée.

En France, le poète Baïf forma, sous le règne de Charles IX, dans une maison de la rue des Fossés-Saint-Victor, une société de musiciens dont le roi se déclara le protecteur. Jacques Mauduit, greffier des requêtes et virtuose distingué, fut le successeur de Baïf. Son établissement reçut le nom de Société et Académie de Cécile. Ces artistes s’occupaient spécialement de Sainte-musique religieuse. L’opéra ne fut réellement introduit en France que sous le ministère du cardinal Mazarin, mais alors avec de la musique et des paroles italiennes. L’abbé Perrin hasarda le premier des vers d’opéra en français ; il débuta par une Pastorale, en cinq actes, qui fut représentée à Vincennes, puis l’hôtel de Nevers en 1659. La musique était de la composition de Gambert, organiste de Saint-Honoré et surintendant de la musique de la reine-mère. Le 26 juin 1669, l’abbé Perrin obtint des lettres-patentes qui lui permettaient « d’établir en la ville de Paris d’autres du royaume des académies de musique pour chanter en public, pendant douze années, des pièces de théâtre, comme il se pratique en Italie, en Allemagne et en Angleterre. » — Les premiers musiciens et les meilleurs chanteurs du grand Opéra français furent tirés principalement des églises de la Provence ; ainsi ce spectacle éminemment profane, qu’on a regardé depuis comme un lieu de perdition, fut inauguré par un abbé et par des chantres de lutrin. Au mois de mars 1671, l’abbé Perrin ouvrit une salle dans le jeu de paume de la rue Mazarine ; on y représenta l’opéra de Pomone ; mais la nouvelle entreprise se vit au bout de quelques mois, menacée d’une chute complète : un certain marquis de Sourdéac, mécanicien ou plutôt chevalier d’industrie, participait à la direction de ce théâtre. Sous le prétexte de se rembourser des avances qu’il avait faites, il mit la main sur la caisse et l’emporta. — Louis XIV ne pouvait rester indifférent à la ruine d’une entreprise qui, bien conduite, lui paraissait utile aux progrès de la musique. Au mois de mars 1682, le grand Roi donna des lettres-patentes qu’on peut regarder en quelque sorte comme l’état civil de l’Opéra. Ces lettres sont trop remarquables, elles portent à un trop haut point le cachet de splendeur qui marquait tous les actes de ce règne glorieux pour ne pas être reproduites.

« Louis, etc… Les sciences et les arts étant les ornements les plus considérables des États, nous n’avons point eu de plus agréables divertissements depuis que nous avons donné la paix à nos peuples, que de les faire revivre en appelant près de nous tous ceux qui se sont acquis la réputation d’y excèler, non seulement dans l’étendue de notre royaume, mais aussi dans les pays étrangers, et pour les y obliger davantage à s’y perfectionner, nous les avons honorés de notre bienveillance et de notre estime, et comme entre les arts libéraux la musique y tient un des premiers rangs, nous aurions dans le dessein de la faire réussir avec tous ses avantages, par nos lettres-patentes du 26 juin 1669, accordé au sieur Perrin une permission d’établir en notre bonne ville de Paris et autres de notre royaume, des académies de musique pour chanter en public des pièces de théâtre, comme il se pratique en Italie, en Allemagne et en Angleterre, pendant l’espace de douze années ; mais ayant été depuis informé que les peines et les soins que le sieur Perrin a pris pour ces